Captation...

[...] Si l'on cumule la croissance totale de l'économie américaine au cours des trente années précédant la crise, c'est-à-dire de 1977 à 2007, [...] on constate que les 10 % les plus riches se sont approprié les trois quarts de cette croissance ; à eux seuls, les 1 % les plus riches ont absorbé près de 60 % de la croissance totale du revenu national américain sur cette période ; pour les 90 % restants, le taux de croissance du revenu moyen a été ainsi réduit à moins de 0,5 % par an. 
[...] La hausse des inégalités a eu pour conséquence une quasi stagnation du pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes aux Etats-Unis, ce qui n'a pu qu'accroître la tendance à un endettement croissant des ménages modestes ; d'autant plus que dans le même temps des crédits de plus en plus faciles et dérégulés leur étaient proposés par des banques et intermédiaires financiers peu scrupuleux, et désireux de trouver de bons rendements pour l'épargne financière injectée dans le système par les catégories aisées.
Thomas PIKETTY, Le capital au XXIe siècle, Seuil, page 469.

La constance du rentier...

Actuellement, au début des années 2010, la part des 10 % des patrimoines les plus élevés se situe autour de 60 % du patrimoine national dans la plupart des pays européens [...]. 
Le plus frappant est sans doute que dans toutes ces sociétés, la moitié la plus pauvre de la population ne possède presque rien : les 50 % les plus pauvres en patrimoine possèdent toujours moins de 10 % du patrimoine national, et généralement moins de 5 %. 
[...] A ma connaissance, il n'existe aucune société, à aucune époque, où l'on observe une répartition qui puisse raisonnablement être qualifiée de "faiblement" inégalitaire [...].
Thomas PIKETTY, Le capital au XXIe siècle, Seuil, page 404.

Alain Testart et d'autres s'interrogent sur les origines des inégalités dans les sociétés primitives >>

Bel avenir...

Dans le cas où il n'existe aucune croissance structurelle [somme du taux de croissance de la productivité et de la population, dit taux g...] on aboutit à une contradiction logique très proche de celle que décrit Marx. 
A partir du moment où le taux d'épargne nette [...] est positif, c'est-à-dire que les capitalistes s'acharnent à accumuler chaque année davantage de capital, par volonté de puissance et de perpétuation, ou bien simplement parce que leur niveau de vie est déjà suffisamment élevé, le rapport capital/revenu augmente indéfiniment. Plus généralement, si le taux g est faible et s'approche de zéro, le rapport capital/revenu de long terme [...] tend vers l'infini. [...] Dans ce cas, le rendement du capital r doit nécessairement se réduire de plus en plus et devenir infiniment proche de zéro, faute de quoi la part du capital [...] finira par dévorer la totalité du revenu national. 
La contradiction dynamique pointée par Marx correspond donc a une vrai difficulté, dont la seule issue logique est la croissance structurelle, qui seule permet d'équilibrer, dans une certaine mesure, le processus d'accumulation du capital. 
C'est la croissance permanente de la productivité et de la population qui permet d'équilibrer l'addition permanente de nouvelles unités de capital [...]. Faute de quoi les capitalistes creusent effectivement leur propre tombe : soit ils s'entre-déchirent, dans une tentative désespérée pour lutter contre la baisse tendancielle du taux de rendement (par exemple en se faisant la guerre pour obtenir les meilleurs investissements coloniaux, à l'image de la crise marocaine entre la France et l'Allemagne en 1905 et 1911) ; soit ils parviennent à imposer au travail une part de plus en plus faible dans le revenu national, ce qui finira par conduire à une révolution prolétarienne et une expropriation générale. Dans tous les cas, le capitalisme est miné par ses contradictions internes.
[...] Pour résumer, la croissance moderne, qui est fondée sur la croissance de la productivité et la diffusion des connaissances, a permis d'éviter l'apocalypse marxiste et d'équilibrer le processus d'accumulation du capital.
Thomas PIKETTY, Le capital au XXIe siècle, Seuil, page 361.

Céréaliriziculture...

[Selon Thomas TALHELM, doctorant en psychologie sociale à l'université de Virginie aux Etats-Unis] les différences culturelles [entre populations d'Occident et d'Extrême-Orient asiatique] trouveraient en partie leur fondements dans... la céréaliculture
[...] La riziculture demande une importante coopération entre agriculteurs [...]. Au fil du temps, ce besoin de coopération aurait favorisé le développement de valeurs collectivistes dans cette région. 
[...] A l'inverse, la culture du blé, assistée depuis plus de deux mille ans par la traction animale, ne nécessite pas une telle coopération entre agriculteurs. Dès lors, ce type de d'agriculture aurait permis l'émergence de valeurs plus individualistes
[...] Mais ce n'est pas tout. Ces valeurs opposées auraient ensuite induit une deuxième différenciation [...] concernant [...] le mode de réflexion. 
Côté occidentaux, l'individualisme aurait favorisé une réflexion de type analytique : elle consiste à attribuer des propriétés aux objets afin de les ranger dans des catégories, indépendamment de leur contexte. 
Côté Sud-Est asiatique, le collectivisme aurait poussé au développement d'une pensée plutôt holistique, c'est-à-dire d'un mode de réflexion organisé "autour des relations plutôt que des catégories, des systèmes plutôt que des objets, le tout marquant une plus grande attention au contexte". 
[...] Les habitants de provinces chinoises cultivant du riz ou du blé ont été soumis a des tests psychologiques... 
1. [...] Les habitants des zones rizicoles favorisent à 88 % leurs amis, contre 61 % seulement dans les régions à blé. 
2. Plus une région cultive de riz, plus son taux de divorce a de chances d'être faible. Et inversement dans le cas de la culture du blé. 
3. A Pékin, ville située dans une région cultivant du blé, près de 20 % des clients déplacent la chaise [mise en travers de leur passage dans un café], préférant adapter leur environnement à leurs besoins. 
4. Dans les régions rizicoles, les associations se font sur la base de relations fonctionnelles (lapin,carotte), alors que dans celles qui cultivent le blé, elles se font par catégorie (lapin, chien) [quand il s'agit d'identifier l'intrus dans "chien, lapin, carotte"].
Elsa ABDOUN, Science & Vie, 12/2014, page 84.

Vieilles migratrices...

Des généticiens allemands ont enfin pu comparer finement, chez 623 hommes , certaines séquences du chromosome Y (père) à l'ADN mitochondrial transmis par la mère. Ils ont montré que les groupes [humains] qui étaient sortis d'Afrique il y a 75 000 ans étaient composés en majorité de femmes (dans un rapport d'environ 25 femmes pour 15 hommes selon leurs premières estimations), et qu'elles auraient ensuite conservé cette supériorité numérique (expliquée en grande partie par la polygamie).
Sciences & Vie, 12/2014, page 16.

Si ce surnombre de femmes s'explique par la polygynie, sa présence dès le paléolithique pourrait contredire d'autres raisons souvent évoquées...


Sanglant...

Selon Alain TESTART, le fait que les femmes aient toujours été essentiellement cantonnées aux activités domestiques et à la cueillette, et exclues de la chasse, ne provient pas d'un choix rationnel...
L'anthropologie sociale américaine a depuis longtemps une explication à ce sujet, ce que l'on peut appeler la thèse de la mobilité. Les femmes font les enfants, et ensuite, allaitent longtemps, le sevrage n'étant pas effectif dans ces sociétés avant trois ans. [...] Embarrassées et encombrées qu'elles sont par cette marmaille et des grossesses répétées, elles ne seraient pas assez mobiles. [...] Puisque les femmes ne peuvent assurer tout le temps l'approvisionnement du groupe en gibier, il est plus simple de les spécialiser dans l'activité de cueillette, et de spécialiser les hommes dans celle de la chasse. Page 18.

A cela il rétorque...
Pourquoi en dehors [des périodes de grossesse et d'allaitement] ne feraient-elles pas la chasse ? Page 19. 
Il est assez étrange que ces sociétés qui ne connaissent par ailleurs aucune sorte de division du travail l'aient promue seulement en ce qui concerne les genres. Page 19. 
La chasse n'est pas toujours mobile [cas des Inuit postés près des trous d'air où viennent respirer les mammifères marins, chasse pratiquée exclusivement par les hommes]. Page 20. 
En Australie, les femmes chassent les petits animaux. [...] En d'autres occasions, plus rares et moins remarquées, les femmes pratiquent certaines chasses au gros gibier [trois cas seulement]. Page 20.
Quelle est donc sa thèse ?
[...] Nous constatons chaque fois que lorsque les femmes font la chasse, elles la font sans les armes typiques de la chasse, sans harpons, ni arcs, ni flèches, ni sagaies. Mais lorsque ces armes sont indispensables, les femmes sont exclues de la chasse. Page 25. 
[...] Les armes que n'utilisent pas les femmes sont celles qui font couler le sang des animaux. Page 25. 
[... Cette conclusion] évoque immédiatement les très nombreuses croyances, les interdits et les tabous, nombreux et variés, parfois hauts en couleur, qui entourent le sang des femmes dans presque toutes les sociétés de chasse et de cueillette, et même dans les sociétés d'hier de la vieille Europe. Page 26. 
[...] Le contrepoint de cette affaire est le suivant : si l'un des deux écoulements sanglants fait défaut, il n'y a plus cumul, il n'y a plus de problème. C'est ainsi que la chasse non sanglante peut être féminine, ainsi que nous l'avons vu. Mais aussi : si la femme ne saigne pas, elle peut faire la chasse, même sanglante. Page 28. 
[... Ainsi,] la femme qui présidait à la chasse chez les Grecs [Artémis] n'était pas tout à fait une femme aux yeux de ces mêmes Grecs, elle ne connaissait ni le mariage ni l'enfantement, ni le sang de la virginité, ni le sang de la maternité. Page 28. 
[...] Ce n'est pas le sang en lui-même qui fait problème, ce n'est pas tant le contact avec le sang animal que les us et coutumes des peuples du monde entier cherchent à éviter, c'est le sang dans son jaillissement. Page 31. 
[...] C'est Jeanne d'Arc, dont il est significatif qu'elle était "la Pucelle". Non seulement vierge, mais encore atteinte d'aménorrhée, ainsi qu'il est consigné dans les minutes de son procès. Et la conclusion est la même que pour Diane chasseresse : quand, en la femme, le sang ne coule pas, elle peut, comme les hommes, faire couler le sang. Page 36.
Alain TESTART, L'amazone et la cuisinière, Gallimard, 2014.