Contre-pied...

Où comment Emmanuel Todd affirme que les Européens sont plus "primitifs" que les peuples moyen-orientaux, chinois ou indien...
Ce qui sort comme vision globale de l'humanité, c'est qu'au départ les sociétés primitives, de chasseurs-cueilleurs, ont un système familial nucléaire (un père, une mère et des enfants [...]) associé par des liens de parenté horizontaux (frère/soeur, beau-frère/belle-soeur) à d'autres familles nucléaires, sur le mode de "bandes locales". [...] On voit apparaître toutes sortes d'inventions et d'innovations : l'agriculture, l'écriture, la ville, l'État , bref, la civilisation. Et des innovations, aussi, dans le domaine familial, vers des formes plus complexes et plus lourdes [...] d'abord avec l'apparition de la famille souche avec primogéniture masculine (l'aîné des garçons hérite de l'essentiel des biens de la famille, mais on laisse encore succéder des filles s'il n'y a pas de garçons), ensuite avec la famille communautaire pleinement patrilinéaire (là il n'est plus question que les filles succèdent) et, à partir de là, [...] une dynamique interne enclenche un abaissement continu du statut de la femme. [...] Il faut bien admettre que, sans féminisme exagéré, le potentiel d'éducation des enfants régresse lorsque les mères sont infantilisées. [...] Le principe patrilinéaire, puis son accentuation, paralyse donc peu à peu ces sociétés. C'est pourquoi l'Histoire nous montre l'arrêt de la civilisation moyen-orientale, de la civilisation chinoise, de la civilisation indienne
[...] L'Occident, qui n'a inventé ni l'agriculture, ni la ville, ni l'écriture, ni l'État , va recevoir toutes ces innovations par diffusion. Tout en échappant au système patrilinéaire et en gardant donc son dynamisme primitif, qui est en fait le dynamisme des hommes des cavernes. Des gens comme Max Weber, par exemple, cherchaient à expliquer le mystère du décollage de l'Occident, mais il n'y a pas de mystère de l'Occident ! Le vrai mystère, c'est celui de ces sociétés centrales qui ont tout inventé et qui se sont paralysées en adoptant un système patrilinéaire. 
[...] Si nous cessons de considérer a priori les Européens comme "modernes", afin de les traiter semblablement à n'importe quel groupe humain, force est alors de constater que leur famille nucléaire se retrouve chez les plus "primitifs" des peuples de la Terre.
Emmanuel TODD (Extraits), Le Point, 09/2011, p. 82. 

Economies de niches...

L'inspection générale des finances vient de chiffrer à 53 milliards l'économie réalisable en supprimant certains dispositifs réduisant la charge fiscale ou sociale [les fameuses niches fiscales].
L'Express, 09/2011, p. 52.

Féminisme coranique...

[...] On surestime totalement le poids de la religion par rapport à celui des structures familiales. [...] Ce qu'on trouve dans les règles d'héritage coranique, ce sont des préceptes qui cherchent plutôt à protéger la femme par rapport aux vieilles lois passées. Mais dans l'évolution ultérieure, le système patrilinéaire a été plus puissant que Mahomet.
Emmanuel TODD (Extraits), Le Point, 09/2011, p. 82.

Europhiliphobie...

Sous la surface de l'euro...
5. Contrairement à ce que déclarent nombre d'esprits chagrins, l'Europe "tient la route". [...] Faut-il rappeler que la croissance européenne a été, de 1999 à 2008, de 2,1 % et qu'elle a créé sur cette période 16 millions d'emploisOlivier PASTRE, Jacques SYLVESTRE (2011), On nous ment ! Vérités et légendes sur la crise, Fayard, p. 168. 
4. [Selon l'OCDE] -  Inflation de 2000 à 2010 : France 18,5 %, Allemagne 16,2% mais hors zone euro, Royaume-Uni 23 %, USA 26,5 %. Pertes d'emplois dans l'industrie de 2002 à 2009 : France 18 %, Allemagne 7 %, mais hors zone euro, Royaume-Uni 24 % et Etats-Unis 21 %. Christian ESTROSI, France 2, Mots croisés, 19/09/2011. 
3. [Selon l'OCDE] - Moyenne de 2001 à 2011, croissance du PIB à prix constant : Australie 3,1 %, Canada 2,1 %, Norvège 1,8 %, Suède 1,8 %, Suisse 1,7 %, Royaume-Uni 1,6 %, Etats-Unis 1,9 %, Zone euro 1,1 %. La zone euro a la plus faible croissance du monde depuis dix ans. Marine Le Pen, France 2, Mots croisés 19/09/2011
2.  Depuis la création de l'euro, la population active s'est accrue de 16,5 millions. Conclusion : grâce à l'euro, il y a donc 2,5 millions de chômeurs supplémentaires ? Marianne, 23/02/2011.
1. Depuis la création de l'euro, en zone euro, 14 millions d'emplois ont été créés [...]. Sur la même période, seuls 7,8 millions d'emplois ont été créés aux Etats-UnisJean-Claude TRICHET, Europe 1, 20/02/2011.

Gros défaut...

De nombreux États, tels le Mexique en 1992 ou la Russie en 1998, ont fait défaut sur leur dette dans l'histoire, et ils ne s'en sont pas porté nécessairement plus mal.
Jacques SAPIRFrance 2, Mots croisés, 19/09/2011.

Fausse bonne idée...

Dans un contexte de récession économique internationale, les pays sont particulièrement sensibles au risque de défaut d'un partenaire économique.
Philippe DESSERTINE, France 2, Mots croisés, 19/09/2011.

Influents...

Les plus riches en Europe ont dit : pourquoi n'avons-nous pas la rentabilité du modèle anglo-saxonEt on a eu une menace des classes dirigeantes : soit l'Europe nous assure la même rentabilité que dans les pays anglo-saxon, soit on s'en va ! Donc, en Europe, on a promu la liberté de circulation des capitaux financiers (par exemple la "modernisation" de la Bourse de Paris sous Beregovoy).
Henri Sterdyniak, France Inter,  Nous autres, 16/09/2011. 

Quand le dollar nous tue - Edouard Tétreau

Edouard Tétreau nous inquiète avec ses histoires de monnaie de singe en dollars...

Les 10 phrases clefs qui font réfléchir...
  1. [...] Cette fausse valeur [des milliers de millions de dollars injectés dans l'économie (sans contrepartie économique) par la FED, dit quantitative easing] est littéralement en train de faire sauter la planète en créant une inflation à la hauteur de l'ardoise qui doit être effacée : 20 000 milliards de dollars. Page 13.
  2. Le Trésor américain […] perd au rythme actuel 4 milliards de dollars par jour. Page 18.
  3. Rappelons qu'à l'origine des émeutes de Tiananmen, il y avait éventuellement désir de liberté ; il y avait surtout une population rudement éprouvée par une inflation à 20 %. Page 35.
  4. Depuis 2008, la Chine a accéléré la conversion de ses dollars en actifs plus tangibles : terres en Afrique, mines, actions de grandes sociétés, et dettes des pays européens. Page 49-50.
  5. L’Europe, l'Asie hors la Chine, l'Amérique latine et les grands pays musulmans […], deux fois plus importants que le tandem sino-américain, en terme de population et de richesse économique notamment, […] méritent d'abord de s'organiser et de se défendre. Page 53-54.
  6. General Motors et Chrysler n'ont dû leur survie et leur prospérité actuelle qu'à l'effacement de leurs dettes par le gouvernement américain. Page 63.
  7. En 2010, près de un million de voitures ont été vendues aux États-Unis grâce à des prêts... subprimePage 63.
  8. Comme l'aurait dit Churchill : « on peut faire confiance aux américains pour trouver la meilleure solution, après avoir essayé toutes les autres. ». Page 81.
  9. Depuis 1971, la masse des dollars en circulation dans le monde a été multipliée par 21, tandis que la richesse de l'Amérique, mesurée par son PIB, a augmenté sept fois moins vite. Page 109.
  10. […] La crise autour de l'euro, […] arrange formidablement bien les affaires de l'Amérique. Plus l'euro est décrédibilisé, plus les détenteurs d'excédents monétaires sont contraints et forcés d'acheter du dollars. Page 116-117.
Edouard TETREAU, Quand le dollar nous tue. Grasset, 2011.

Pour une révolution fiscale - Landais, Piketty, Saez

Thomas Piketty et ses acolytes nous brossent un portrait déplorablement inégalitaire de la fiscalité française...

Les 10 phrases clefs qui font réfléchir...
1. L'impôt sur le revenu ne représente que 6 % du total des prélèvements obligatoires (50 milliards d'euros sur 820 milliards). Les 94 autres pour cent sont payés par tous, et notamment par les revenus modestesPage 17.
2. Les patrimoines ne se sont jamais aussi bien portés depuis un siècle. Page 23. 
3. L'impôt sur les bénéfices (35 milliards) taxe les profits des sociétés à un taux effectif qui est actuellement de 20 %. Pages 45. 
4. Les 50 % des français les plus modestes (gagnant moins de 2200 euros brut par mois) font actuellement face à des taux effectifs d'imposition s'étageant de 41 % à 48 %. Les 40 % suivant dans la pyramide des revenus sont tous taxés à des taux de l'ordre de 48 % à 50 %. […] Puis à l'intérieur des 5 % des revenus les plus élevés (gagnant plus de 6 900 euros) et surtout des 1 % les plus riches (gagnant plus de 14 000 euros), les taux effectifs d'imposition se mettent très nettement à décliner et ne dépassent guère les 35 % pour les 0,1 % des Français les plus aisés (50 000 personnes sur 50 millions). Page 49. 
5. Les impôts sur la consommation, et plus encore les cotisations sociales, sont fortement régressifs : les premiers prélèvent près de 15 % des revenus des plus pauvres et à peine plus de 5 % de ceux des plus riches ; les secondes prélèvent 25 % des revenus les plus bas et moins de 5 % de ceux les plus élevés. Pages 50-52. 
6. Par définition, plus le couple est inégalitaire, plus la réduction d'impôt est importante : le quotient conjugal fonctionne de facto comme une machine à subventionner les couples inégaux ! Page 66. 
7. Moins de 20 % des revenus du capital réel [...] se retrouvent dans la base de l'impôt progressif sur le revenu. Par comparaison, plus de 90 % des revenus du travail réel [...] sont imposés au barème progressif d'imposition. Page 70. 
8. Pour les revenus financiers, on retrouve moins de 15 % des revenus réels dans la base d'imposition. Par exemple sur les quelques 170 milliards d'intérêts et dividendes reçus chaque année par les ménages d'après les comptes nationaux (40 milliards d'intérêts, 70 milliards de dividendes, 50 milliards de produits financiers crédités et recapitalisés sur les contrats d'assurance vie), moins de 20 milliards se retrouvent dans les déclarations de revenus. [...] Le total des dividendes reportés dans les déclarations de revenus atteint péniblement 13 à 14 milliards d'euros [...], alors que les allocations chômage reportées dans ces mêmes déclarations sont à elles seules deux fois plus élevées (28 à 29 milliards d'euros, soit légèrement plus que les revenus fonciers figurant dans les déclarations !). S'imagine-t-on sérieusement que les chômeurs reçoivent chaque année plus de richesses que les actionnaires ou les propriétaires fonciers de ce pays ? Page 71. 
9. Le quotient familial [...] bénéficie de manière disproportionnée aux 10 % des revenus les plus élevés. [...] Il est remarquablement stable, autour de 175 euros, pour l'ensemble des parents du premier au neuvième décile de revenus. Mais, pour les 10 % des revenus les plus élevés, le transfert net augmente soudain très fortement, jusqu'à 400 euros par mois, du fait de la rapide montée en puissance des effets du quotient familial [...]. Page 103. 
10. [...] Le bouclier fiscal n'inclut que l'impôt sur le revenu (IRPP et CSG), la taxe foncière et l'ISF, qui ne sont qu'une maigre partie des impôts. [...] Première injustice du bouclier : les Français qui paient effectivement 50 % de leurs revenu en impôts, c'est-à-dire les classes moyennes, sont bien plus nombreux et bien moins fortunés que les bénéficiaires du bouclier fiscal. La seconde absurdité tient au fait que le revenu pris en compte pour le bouclier est le revenu fiscal, qui est un concept absolument bâtard et, dans tous les cas, nettement inférieur au revenu économique réel pour les hauts revenus [...]. Ce qui est la source d'une troisième injustice : en pratique, les contribuables qui bénéficient du bouclier fiscal font massivement parti des 0,1 % des contribuables les plus riches, alors même que le taux effectif d'imposition de ce groupe est déjà inférieur à 50 %. Page 122.
    Camille LANDAIS, Thomas PIKETTY, Emmanuel SAEZ (2011)
    Pour une révolution fiscale, Seuil, 2011.

La trahison des économistes - Jean-Luc Gréau

Jean-Luc Gréau regrette que l'orthodoxie économique nous abreuve de mensonges et autres fausses évidences...

Les 10 phrases clefs qui font réfléchir...
1. Si […] l’État français est menacé de ruine, […] comment [ses gouvernants] n'ont-ils pas été mis en garde par tous ces experts des marchés financiers […] chargés d'évaluer la dette des Trésors publics et leur degré de solvabilité ? Page 29. 
2. Les dirigeants économique du nouveau capitalisme asiatique, ont choisi des modèles d'expansion fondés sur la protection plus ou moins étanche de leurs marchés intérieurs et du capital de leurs entreprisesPage 38. 
3. Le projet apparemment audacieux du libre-échange mondial n'a pas vu le jour parce que les dirigeants politiques l'ont pensé comme une nécessité de développement de leurs économies nationales ou continentales, mais parce que les actionnaires les plus influents au sein des grandes bourses se sont mobilisés pour l'imposer. Page 49. 
4. La France n'est pas, ou pas encore, débitrice vis-à-vis du reste du monde […]. C'est la confusion dans les esprits pour l'immense majorité de nos concitoyens pour lesquels la dette de l’État est synonyme de dette de la nation. Page 132. 
5. Contrairement à la propagande des milieux boursiers, les marchés d'actions n'ont presque jamais apporté les ressources financières que nécessitait la croissance continue des entreprises. Les entreprises, cotées ou non, se sont appuyées principalement sur le réinvestissement de leurs bénéfices et le concours additionnel du crédit. Page 145. 
6. Chaque baril effectivement consommé sert de support à des transactions qui représentent 480 fois son montant. Page 152. 
7. L'indépendance des banques centrales, bifurcation majeure dans notre histoire économique récente, résulte d'une volonté de protéger la valeur des actifs financiers. […] Les actifs cotés sur les marchés courent un risque général de dépréciation dès que l'inflation devient significative. […] C'est ainsi qu'il faut comprendre les alarmes des marchés quand les moindres tensions inflationnistes se manifestent sur les marchés de la production courante. Les intérêts financiers commandent. Pages 164-165. 
8. La nécessité de recourir in fine à la banque […] pour garder à flot de grands organismes financiers en péril, remet en question le grand postulat du financement et de la régulation par les marchés. Page 167. 
9. Les éditeurs, les grossistes, les assureurs [nouveaux métiers apparus lors de l'âge d'or des Pays-Bas au XVIIe] cherchaient à réduire l'intensité du risque économique pour en élargir le champ au bénéfice de l'activité économique. Les innovateurs de tout poil de la nouvelle finance cherchent à disséminer les risques [pour pouvoir exiger des taux d'intérêts élevés] qu'ils démultiplient par leurs innovations financières. Page 227. 
10. Impossible, par exemple, pour un État de soutenir, sans accord préalable de l'Union [européenne], un projet de moteur de recherche sur le réseau Internet […]. Dans le contexte juridique actuel, il serait également interdit de lancer le grand projet Airbus […]. Page 239.
Jean-Luc GREAU (2008), La trahison des économistes. Gallimard.