Planche à inflation ?

Mensonge n° 4 : l'utilisation de la planche à billets n'a jamais été une promenade de santé et a quasiment toujours eu des conséquences dramatiques pour toute la population. C'est à la suite de ces désastres financiers que des règles saines ont été mises en place. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 229.
Pour illustrer son propos, Olivier Berruyer propose cet édifiant graphique...


Comparons à l'inflation aux Etats-Unis et au Royaume-Uni...


Sans surprise l'inflation explose dans tous les pays à chaque déclenchement de guerre mondiale. Si l'on veut parler de l'impact des prêts accordés par la Banque de France il nous faut alors observer en dehors de ces moments dramatiques de l'histoire. Trois hausses significatives de l'inflation en France (et en France uniquement) et corrélées à une hausse des prêts de la BF, sont observables : grosso-modo autour de 1926, 1935 et 1955 sur le graphique. Un tableau des taux d'inflation par année permet de préciser les dates : 1926 (31,7 %), 1937 (25,7 %) et 1958 (15,1 %). FranceInflation.com.

Avant de poursuivre, on pourrait s'interroger sur l'ampleur de l'inflation en France comparée aux autres pays...
[Après 1936, la remontée des prix] fut plus marquée en France que dans le reste du monde, en raison du fait que la France connut à la fois une hausse plus forte des coûts de production et une dépréciation du franc, due en grande partie aux sorties de capitaux provoquées par l'inquiétude des milieux financiers durant les années du Front populaire (1936-1938). Pierre BEZBAKH, Inflation et désinflationBooks.Google.fr, p. 11.
Les largesses de la Banque de France ne semblent pas impliquées de manière significative. Mais que s'est-il donc passé ces années-là ?
[...] Suite à une crise de confiance, la France connaît un pic d'inflation en 1926. La stabilisation Poincaré rétablit la situation et conduit à la déflation jusqu'aux fortes hausses de salaire horaire du Front populaire en 1936Cairn.info
La "crise de confiance" en quelques mots...
Les coûts élevés du conflit, des pensions de guerre et ceux de la reconstruction, provoquent des déficits publics, qui sapent la valeur du franc [...]. Cette inflation [...] permet de diminuer l'endettement de l'Etat, [... et de stimuler] les exportations. [...] Le risque d'une aggravation de l'endettement extérieur est peu craint car la France compte sur les réparations financières dues par l'Allemagne. Cette situation monétaire favorise la croissance, mais sape la confiance dans la monnaie. SlideShare.net 
[...] La dépréciation monétaire se précipite, dirigée presque exclusivement par la fuite des capitaux vers l'étranger qui provoque la chute du franc et par les demandes de remboursements des bons du Trésor, contraignant l'Etat à une émission inopportune de moyens monétaires. Persee.fr, p. 44.
L'épisode 1936...
On remarquera le rôle passif joué par la monnaie dans l'évolution 1936-37 : les augmentations de la circulation et des disponibilités monétaires sont très lentes en dépit de la réapparition des avances de la Banque à l'Etat. Persee.fr, p. 56.
De fait, toutes les statistiques disponibles indiquent que la relance de l'inflation décidée par le Front Populaire a conduit à une relance importante des profits des entreprises en 1936-37. [...] Les très gros entrepreneurs ne furent certes pas les seuls à profiter de la reprise de l'inflation : cette dernière fut également très bénéfique pour l'ensemble des travailleurs non salariés, et notamment pour les paysans, qui avaient particulièrement souffert de la baisse des prix [les années précédentes]. Thomas PIKETTYLes hauts revenus en France au XXe siècleBooks.Google.fr.
L'année 1958...
A partir de 1956, une remontée sensible des prix se produisit en relation avec le début de la guerre d'Algérie : celle-ci provoqua en effet une hausse des dépenses de l'Etat alors que la main-d'oeuvre disponible diminuait, que le déficit extérieur se creusait et que les réserves de devises s'épuisaient. Pierre BEZBAKH, Inflation et désinflation, Books.Google.fr, p. 17.
Étonnamment, il est difficile de trouver des argumentaires incriminant une création monétaire menée par l'Etat de manière inconsidérée.
La ritournelle "les Etats ont autrefois beaucoup fait tourner la planche à billet et cela a fait beaucoup de mal" est très souvent utilisée, et pour tout dire, bien ancrée dans les mentalités, mais finalement, sans être solidement fondée et étayée (hormis quelques cas d'hyperinflation dramatiques mais aux contextes très singuliers, façon république de Weimar)...

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