Sainteté...

L'Histoire est déterminée par la guerre, la cupidité, la soif du pouvoir, la haine et la xénophobie (et quelques autres motivations, plus admirables, intervenant de-ci, de-là). Nous estimons donc généralement que notre nature fondamentale est définie par ces traits humains évidents. Ne nous a-ton pas souvent dit que l'"homme" est, par nature, agressif et ne cherche qu'à accumuler égoïstement des richesses ? 
[...] Il est évident que la gentillesse et la violence font partie toutes deux de notre nature, parce que nous les manifestons constamment toutes les deux, et abondamment. [... Mais] la stabilité sociale règne presque tout le temps et doit nécessairement être fondée sur l'écrasante prédominance (bien que tragiquement non reconnue) des actes de bienveillance, ce qui veut dire que ce dernier comportement est donc notre attitude préférée la plus habituelle, presque tout le temps. 
[...] Le noyau de la nature humaine est exprimé par ces dix mille actes ordinaires de gentillesse qui façonnent notre quotidien. Qu'y a-t-il de plus tragique que ce paradoxe fondamental selon lequel l'Everest de la bienveillance se tient la tête en bas, en équilibre sur sa pointe, et peut basculer facilement sous l'impact d'événements rares, contraires à notre nature quotidienne, mais qui déterminent notre Histoire. En un certain sens profond, nous n'avons pas ce que nous méritons. 
La solution à notre malheur ne consiste pas à vaincre notre "nature", mais à briser la "grande asymétrie" et à permettre à nos dispositions ordinaires de gouverner notre vie. Mais comment faire pour installer le banal sur le siège du pilote de l'histoire ?
Stephen JAY GOULD, Comme les huit doigts de la main, Point, 1996, p. 347.

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