Le juste-prix du gaspillage...

Les scientifiques et les ONG ont cru pendant des décennies que la sphère politique utilisait ce savoir dont nous disposions pour mettre en place les conditions-cadres préalables au développement durable. Ils n'ont absolument pas perçu, ni compris, que cela impliquerait un bouleversement si considérable des structures établies, que dans une démocratie, aucun homme politique ne peut se risquer à imposer ces changements sous forme de lois. Ce serait un suicide politique. On pourrait encore attendre des décennies, jamais les politiques n'oseront aborder ces questions centrales, si la population ne comprend pas pourquoi c'est indispensable. 
Le juste-prix écologique est l'un des aspects clés du développement durable. Dans le système économique mondial actuel, presque tous les prix sont erronés. Parce que les coûts liés à la production et à l'utilisation des ressources, au lieu d'être calculés selon leur impact, sont en fait supportés par la collectivité, c'est ce que les scientifiques appellent l'externalisation des coûts.  
Le marché est apte à définir l'allocation efficiente des ressources, mais il est totalement impropre à fixer leur juste prix. 
Si les justes prix étaient en vigueur, les patrons se précipiteraient sur les matières premières, pour prendre des mesures de rationalisation dans ce domaine, et ils embaucheraient. En d'autres termes, si un revirement s'opérait, beaucoup plus de gens seraient intégrés dans le processus de travail car ce serait judicieux sur le plan économique.
L'augmentation de la productivité du travail est toujours allée de pair avec l'augmentation des salaires. Cette hausse du coût de la main-d'oeuvre s'est traduite, pour les employeurs, par une nécessité accrue de rationaliser le travail. En même temps, l'augmentation de la productivité du travail, a  permis aux employés d'exiger des salaires plus élevés. Il y a eu une impulsion mutuelle.
Un tiers de notre consommation n'est autre que du gaspillage [au sens où y renoncer n'amoindrirai pas notre niveau de vie]. Un allemand, en moyenne, monopolise quatre hectares en permanence pour subvenir à ses seuls besoins. Si 7 milliards d'êtres humains vivaient avec la même empreinte écologique, il nous faudrait 2 planètes. Les citoyens des Etats-Unis, [...] ont une empreinte écologique de 10 hectares. Dans ce cas de figure, il nous faudrait 5 planètes. 
Une croissance mondiale annuelle exponentielle de 4 % signifie un doublement du PIB en 17,5 ans. Malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas parvenus à découpler la croissance économique et la consommation de ressources et d'énergie. On pourrait consommer l'énergie et l'eau de manière quatre fois plus efficace : obtenir deux fois plus de bien-être avec deux fois moins de consommation énergétique. 
Il nous faut donc apprendre à réduire notre empreinte écologique. Je propose de procéder par paliers d'efficience énergétique. Plus l'efficience augmentera, plus le prix de l'énergie devra augmenter. La dépense énergétique mensuelle n'augmentera pas mais l'énergie deviendra plus précieuse, plus coûteuse. Et cela poussera les investisseurs à viser massivement l'efficience énergétique.  
J'aimerais beaucoup que les pays en développement, au lieu de suivre cette courbe en cloche, que l'on appelle parfois courbe de Kuznets, la traversent comme un tunnel. C'est-à-dire qu'ils ne passent jamais par ces sommets du gaspillage, qui au fond ne sont autre qu'un signe d'immaturité.
Nous parlons d'une analogie entre la  productivité des ressources et la productivité du travail. Avec la révolution industrielle, c'est-à-dire au fil des progrès technologiques de ces 150 dernières années, la productivité du travail a été multipliée par 20. D'une heure de travail, nous produisons 20 fois plus de prospérité que du temps de Goethe ou encore de Karl Marx.
J'affirme aujourd'hui, qu'en Allemagne et dans le monde entier, seulement 0,5 % de la population a la connaissance nécessaire pour mesurer ce qui doit arriver. En Allemagne, seules 400 000 personnes sont informées du développement durable. Nous devons quitter ces sphères élitistesC'est par le biais de l'éducation que nous devons sensibiliser la société civile qui, elle seule, peut faire un choix parmi les différentes possibilités d'action mises en évidence par les scientifiques.
Cela va à l'encontre des intégristes du marché. En particulier dans l'espace anglo-saxons où l'idéologie dominante est un désengagement de l'Etat. Tout est aux mains de l'individu, du marché, des financiers. Ce seront probablement les derniers à comprendre. Nous les européens, nous pouvons nous accorder très vite avec les asiatiques, les chinois, les japonais ou coréens. »
Klaus WIEGANDT,  Arte, Que faire pour sauver la planète ? 13/01/2011

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