Stratégie du copinage...

Anne Lauvergeon nous livre les dessous de la politique industrielle façon Nicolas Sarkozy...
Les quelques jours qui précèdent son entrée à l'Elysée, Nicolas Sarkozy reçoit dans un hôtel particulier du septième arrondissement pour constituer le futur gouvernement de François Fillon.
[...] Il a préparé son sujet et attaque bille en tête en me demandant quel ministère je veux. Ma position a le mérite de la clarté et je l'expose immédiatement : je ne veux pas être ministre, je souhaite rester chef d'entreprise chez Areva.

Ecoute, c'est très simple, insiste-t-il. Tu fais ça... Je sais, je sais, j'ai compris le message, mais écoute : tu es ministre dix-huit mois. Allez un an. Ça te va, un an ? Et puis après tu auras l'entreprise que tu veux.- Mais je suis déjà en charge de l'entreprise qui me va...

- D'accord, d'accord, tu as fait quelque-chose de très bien avec Areva, mais tu mérites mieux, tu mérites plus gros. Il ne t'a pas échappé qu'EDF va être libre.  Ça te dit EDF ? Tu fais un an et tu deviens patronne d'EDF [...].

[...] Plus tard, [...] il sortira dans la presse que j'ai refusé d'être ministre pour préserver mon confort matériel. Pages 156, 161.
[...] [Avec Christophe de Margerie (Total) et Gérad Mestrallet (GDF Suez)], nous pensons qu'il serait judicieux que le nouveau patron d'EDF s'entende bien avec ses autres collègues. Non pas par soucis de convivialité mais parce qu'il serait alors possible de parler ensemble, de constituer, au-delà de nos différences et de l'intérêt respectif de nos entreprises, une véritable "équipe de France" dévolue à l'énergie. Plus soudés, plus forts. Sans hiérarchie.
[...] Non seulement cette démarche va être rejetée ("des industriels qui s'occupent de stratégie industrielle, quelle horreur !") mais, qui plus est, Nicolas Sarkozy, court-circuitant son Premier ministre, décide de nommer à la tête d'EDF un autre de ses convives du Fouquet's : Henri Proglio, ennemi juré de Gérard Mestrallet. Henri Proglio clame très vite qu'il est désormais "capitaine de l'équipe de France nucléaire"... tout en refusant le jeu avec le reste de l'équipe. Page 166.
[...] Pourquoi abandonner les droits de propriété intellectuelle existant sur les réacteurs de génération trois ? Henri Proglio et ses amis n'en font pas mystère, ils souhaitent créer une industrie nucléaire chinoise qui sera en mesure d'approvisionner la France et l'international. Ce serait là la mort programmée d'Areva. Et ils envisagent tout cela avec un souverain détachement et une grande liberté de ton sans être rappelés à l'ordre. Et pour cause. Un axe est en place : Claude Guéant, Jean-Louis Borloo, François Roussely, Jean-Dominique Comolli, Alexandre Djouhri, chacun son rôle. La machine étatique pour certains, l'entreprise et les contrats lucratifs pour huiler les relations des autres. Tous unis, tous solidaires, tous frères. Page 180.
[...] J'ai l'impression de ramer à contre-courant mais c'était également le cas de Christine Lagarde et François Fillon. Il y a bien un système parallèle, des circuits parallèles et, au final, une république parallèle qui est apparue dès la nomination d'Henri Proglio, propulsé d'entrée dans une filière nucléaire qu'il ne connaissait pas. Page 183.
Anne LAUVERGEON (2012), La femme qui résiste, Plon.

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