Captation...

[...] Si l'on cumule la croissance totale de l'économie américaine au cours des trente années précédant la crise, c'est-à-dire de 1977 à 2007, [...] on constate que les 10 % les plus riches se sont approprié les trois quarts de cette croissance ; à eux seuls, les 1 % les plus riches ont absorbé près de 60 % de la croissance totale du revenu national américain sur cette période ; pour les 90 % restants, le taux de croissance du revenu moyen a été ainsi réduit à moins de 0,5 % par an. 
[...] La hausse des inégalités a eu pour conséquence une quasi stagnation du pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes aux Etats-Unis, ce qui n'a pu qu'accroître la tendance à un endettement croissant des ménages modestes ; d'autant plus que dans le même temps des crédits de plus en plus faciles et dérégulés leur étaient proposés par des banques et intermédiaires financiers peu scrupuleux, et désireux de trouver de bons rendements pour l'épargne financière injectée dans le système par les catégories aisées.
Thomas PIKETTY, Le capital au XXIe siècle, Seuil, page 469.

La constance du rentier...

Actuellement, au début des années 2010, la part des 10 % des patrimoines les plus élevés se situe autour de 60 % du patrimoine national dans la plupart des pays européens [...]. 
Le plus frappant est sans doute que dans toutes ces sociétés, la moitié la plus pauvre de la population ne possède presque rien : les 50 % les plus pauvres en patrimoine possèdent toujours moins de 10 % du patrimoine national, et généralement moins de 5 %. 
[...] A ma connaissance, il n'existe aucune société, à aucune époque, où l'on observe une répartition qui puisse raisonnablement être qualifiée de "faiblement" inégalitaire [...].
Thomas PIKETTY, Le capital au XXIe siècle, Seuil, page 404.

Alain Testart et d'autres s'interrogent sur les origines des inégalités dans les sociétés primitives >>

Bel avenir...

Dans le cas où il n'existe aucune croissance structurelle [somme du taux de croissance de la productivité et de la population, dit taux g...] on aboutit à une contradiction logique très proche de celle que décrit Marx. 
A partir du moment où le taux d'épargne nette [...] est positif, c'est-à-dire que les capitalistes s'acharnent à accumuler chaque année davantage de capital, par volonté de puissance et de perpétuation, ou bien simplement parce que leur niveau de vie est déjà suffisamment élevé, le rapport capital/revenu augmente indéfiniment. Plus généralement, si le taux g est faible et s'approche de zéro, le rapport capital/revenu de long terme [...] tend vers l'infini. [...] Dans ce cas, le rendement du capital r doit nécessairement se réduire de plus en plus et devenir infiniment proche de zéro, faute de quoi la part du capital [...] finira par dévorer la totalité du revenu national. 
La contradiction dynamique pointée par Marx correspond donc a une vrai difficulté, dont la seule issue logique est la croissance structurelle, qui seule permet d'équilibrer, dans une certaine mesure, le processus d'accumulation du capital. 
C'est la croissance permanente de la productivité et de la population qui permet d'équilibrer l'addition permanente de nouvelles unités de capital [...]. Faute de quoi les capitalistes creusent effectivement leur propre tombe : soit ils s'entre-déchirent, dans une tentative désespérée pour lutter contre la baisse tendancielle du taux de rendement (par exemple en se faisant la guerre pour obtenir les meilleurs investissements coloniaux, à l'image de la crise marocaine entre la France et l'Allemagne en 1905 et 1911) ; soit ils parviennent à imposer au travail une part de plus en plus faible dans le revenu national, ce qui finira par conduire à une révolution prolétarienne et une expropriation générale. Dans tous les cas, le capitalisme est miné par ses contradictions internes.
[...] Pour résumer, la croissance moderne, qui est fondée sur la croissance de la productivité et la diffusion des connaissances, a permis d'éviter l'apocalypse marxiste et d'équilibrer le processus d'accumulation du capital.
Thomas PIKETTY, Le capital au XXIe siècle, Seuil, page 361.

Céréaliriziculture...

[Selon Thomas TALHELM, doctorant en psychologie sociale à l'université de Virginie aux Etats-Unis] les différences culturelles [entre populations d'Occident et d'Extrême-Orient asiatique] trouveraient en partie leur fondements dans... la céréaliculture
[...] La riziculture demande une importante coopération entre agriculteurs [...]. Au fil du temps, ce besoin de coopération aurait favorisé le développement de valeurs collectivistes dans cette région. 
[...] A l'inverse, la culture du blé, assistée depuis plus de deux mille ans par la traction animale, ne nécessite pas une telle coopération entre agriculteurs. Dès lors, ce type de d'agriculture aurait permis l'émergence de valeurs plus individualistes
[...] Mais ce n'est pas tout. Ces valeurs opposées auraient ensuite induit une deuxième différenciation [...] concernant [...] le mode de réflexion. 
Côté occidentaux, l'individualisme aurait favorisé une réflexion de type analytique : elle consiste à attribuer des propriétés aux objets afin de les ranger dans des catégories, indépendamment de leur contexte. 
Côté Sud-Est asiatique, le collectivisme aurait poussé au développement d'une pensée plutôt holistique, c'est-à-dire d'un mode de réflexion organisé "autour des relations plutôt que des catégories, des systèmes plutôt que des objets, le tout marquant une plus grande attention au contexte". 
[...] Les habitants de provinces chinoises cultivant du riz ou du blé ont été soumis a des tests psychologiques... 
1. [...] Les habitants des zones rizicoles favorisent à 88 % leurs amis, contre 61 % seulement dans les régions à blé. 
2. Plus une région cultive de riz, plus son taux de divorce a de chances d'être faible. Et inversement dans le cas de la culture du blé. 
3. A Pékin, ville située dans une région cultivant du blé, près de 20 % des clients déplacent la chaise [mise en travers de leur passage dans un café], préférant adapter leur environnement à leurs besoins. 
4. Dans les régions rizicoles, les associations se font sur la base de relations fonctionnelles (lapin,carotte), alors que dans celles qui cultivent le blé, elles se font par catégorie (lapin, chien) [quand il s'agit d'identifier l'intrus dans "chien, lapin, carotte"].
Elsa ABDOUN, Science & Vie, 12/2014, page 84.

Vieilles migratrices...

Des généticiens allemands ont enfin pu comparer finement, chez 623 hommes , certaines séquences du chromosome Y (père) à l'ADN mitochondrial transmis par la mère. Ils ont montré que les groupes [humains] qui étaient sortis d'Afrique il y a 75 000 ans étaient composés en majorité de femmes (dans un rapport d'environ 25 femmes pour 15 hommes selon leurs premières estimations), et qu'elles auraient ensuite conservé cette supériorité numérique (expliquée en grande partie par la polygamie).
Sciences & Vie, 12/2014, page 16.

Si ce surnombre de femmes s'explique par la polygynie, sa présence dès le paléolithique pourrait contredire d'autres raisons souvent évoquées...


Sanglant...

Selon Alain TESTART, le fait que les femmes aient toujours été essentiellement cantonnées aux activités domestiques et à la cueillette, et exclues de la chasse, ne provient pas d'un choix rationnel...
L'anthropologie sociale américaine a depuis longtemps une explication à ce sujet, ce que l'on peut appeler la thèse de la mobilité. Les femmes font les enfants, et ensuite, allaitent longtemps, le sevrage n'étant pas effectif dans ces sociétés avant trois ans. [...] Embarrassées et encombrées qu'elles sont par cette marmaille et des grossesses répétées, elles ne seraient pas assez mobiles. [...] Puisque les femmes ne peuvent assurer tout le temps l'approvisionnement du groupe en gibier, il est plus simple de les spécialiser dans l'activité de cueillette, et de spécialiser les hommes dans celle de la chasse. Page 18.

A cela il rétorque...
Pourquoi en dehors [des périodes de grossesse et d'allaitement] ne feraient-elles pas la chasse ? Page 19. 
Il est assez étrange que ces sociétés qui ne connaissent par ailleurs aucune sorte de division du travail l'aient promue seulement en ce qui concerne les genres. Page 19. 
La chasse n'est pas toujours mobile [cas des Inuit postés près des trous d'air où viennent respirer les mammifères marins, chasse pratiquée exclusivement par les hommes]. Page 20. 
En Australie, les femmes chassent les petits animaux. [...] En d'autres occasions, plus rares et moins remarquées, les femmes pratiquent certaines chasses au gros gibier [trois cas seulement]. Page 20.
Quelle est donc sa thèse ?
[...] Nous constatons chaque fois que lorsque les femmes font la chasse, elles la font sans les armes typiques de la chasse, sans harpons, ni arcs, ni flèches, ni sagaies. Mais lorsque ces armes sont indispensables, les femmes sont exclues de la chasse. Page 25. 
[...] Les armes que n'utilisent pas les femmes sont celles qui font couler le sang des animaux. Page 25. 
[... Cette conclusion] évoque immédiatement les très nombreuses croyances, les interdits et les tabous, nombreux et variés, parfois hauts en couleur, qui entourent le sang des femmes dans presque toutes les sociétés de chasse et de cueillette, et même dans les sociétés d'hier de la vieille Europe. Page 26. 
[...] Le contrepoint de cette affaire est le suivant : si l'un des deux écoulements sanglants fait défaut, il n'y a plus cumul, il n'y a plus de problème. C'est ainsi que la chasse non sanglante peut être féminine, ainsi que nous l'avons vu. Mais aussi : si la femme ne saigne pas, elle peut faire la chasse, même sanglante. Page 28. 
[... Ainsi,] la femme qui présidait à la chasse chez les Grecs [Artémis] n'était pas tout à fait une femme aux yeux de ces mêmes Grecs, elle ne connaissait ni le mariage ni l'enfantement, ni le sang de la virginité, ni le sang de la maternité. Page 28. 
[...] Ce n'est pas le sang en lui-même qui fait problème, ce n'est pas tant le contact avec le sang animal que les us et coutumes des peuples du monde entier cherchent à éviter, c'est le sang dans son jaillissement. Page 31. 
[...] C'est Jeanne d'Arc, dont il est significatif qu'elle était "la Pucelle". Non seulement vierge, mais encore atteinte d'aménorrhée, ainsi qu'il est consigné dans les minutes de son procès. Et la conclusion est la même que pour Diane chasseresse : quand, en la femme, le sang ne coule pas, elle peut, comme les hommes, faire couler le sang. Page 36.
Alain TESTART, L'amazone et la cuisinière, Gallimard, 2014. 

Silicium stagnant...

On ne voit aucun effet des nouvelles technologies de l'information et de la communication (1994-2001) sur les gains de productivité. [...] Ceci pourrait refroidir l'optimisme sur les nouvelles technologies du futur. Patrick ARTUS. 
[...] Pour Robert GORDON (professeur, université Northwestern, Illinois), la [raison en] est simple : [...] on gagne énormément en productivité quand on passe de la diligence à l'avion, mais très peu quand on passe à la réservation de son billet par Internet ! Les gains en termes d'efficacité du travail issus des premières révolutions industrielles ont représenté un saut pour l'humanité qui ne peut se produire qu'une seule fois et ne peut être améliorée qu'à la marge. 
[...] Pour Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee (experts des nouvelles technologies, MIT), cette vision des choses est complètement dépassée : [...] les ordinateurs et les autres avancées digitales sont en train de faire pour notre pouvoir mental, la capacité d'utiliser notre cerveau pour comprendre et façonner notre environnement, ce que la machine à vapeur et ses descendants ont fait pour le pouvoir des muscles. 
[...] La révolution digitale nous permet de produire de plus en plus de connaissances de plus en plus vite, et donc, c'est le point essentiel, d'innover de manière exponentielle. [...] Selon [eux], l'innovation digitale, combinatoire et exponentielle, [nous place ainsi] à un tournant qui, d'ici quelques années, va révolutionner notre monde. 
Christian CHAVAGNEUX, Alterntives Economiques, 09/2014, p. 60.

Panne selon Robert GORDON...

Les raisons structurelles de la baisse progressive du taux de croissance dans les pays riches selon Robert GORDON...

Démographie...
La seconde moitié du XXe siècle a profité de l'arrivée des femmes sur le marché de travail, ce qui a permis, pour un même niveau de population, d'accroître le nombre d'heures travaillées. Un beau soutient à la productivité. Pour les décennies qui viennent, ce dividende démographique ne joue plus. A l'inverse, le vieillissement des populations et leur longévité accrue vont se traduire, à un niveau de population donné, par une baisse du nombre d'heures travaillées.
Education...
La capacité des personnes au travail à produire mieux tient en partie à leur niveau d'éducation
Inégalités...
Des écarts de richesse croissants se traduisent par une paupérisation relative de plus en plus forte d'une partie importante de la population, ce qui accroît les mauvais résultats à l'école [...]. Là encore, la capacité à produire plus et mieux s'ne trouve affectée.
Etat-providence...
Le niveau d'endettement des Etats va les obliger à raboter leur degré d'intervention sociale. Les ménages les moins favorisés seront de moins en moins aidés ce qui contribuera à les laisser dans une situation précaire. Une évolution qui renforcera les inégalités et leurs effets négatifs sur la productivité.
Mondialisation...
La montée en puissance des pays émergents entraîne à la fois des délocalisations et des pertes d'emplois en même temps qu'une pression à la baisse sur les salaires du nord [... et entretint ainsi] la hausse des inégalités.
Environnement...
[...] La lutte contre le réchauffement va imposer des normes de production dont les coûts réglementaires vont croître. L'évolution technologique permettra peut-être de passer à des systèmes de production plus économes en énergie mais cela réclamera des investissements en capital très importants [mais dont] les effets sur la productivité n'auront rien à voir avec ce qu'il s'est passé il y a un siècle, lorsque le réfrigérateur a remplacé les pains de glace ou la voiture, le cheval.
Christian CHAVAGNEUX, Alterntives Economiques, 09/2014, p. 60.

Panne selon Jan Vijg...

[...] Pour Jan VIJG (généticien moléculaire de renom), notre période est marquée par une panne de l'innovation pour trois raisons...
Réglementation...
[...] Une demande de normes réglementaires croissantes pour nous protéger de nouveaux risques.
Arrivisme...
[...] Un esprit entrepreneurial qui favorise l'enrichissement de court terme par la production de gadgets ou l'amélioration de l'existant, plutôt que la recherche de nouvelles frontières.
Libéralisme...
[...] Le secteur privé se lance rarement dans des innovations majeures : de l'énergie nucléaire au GPS, en passant par internet, ce sont les puissances publiques qui ont été à l'origine des grandes innovations récentes : "La raison principale était la crainte de conflits internationaux. Les Etats voulaient être certains de disposer des meilleures technologies possibles"
Christian CHAVAGNEUX, Alterntives Economiques, 09/2014, p. 60. 

Jacques Attali...

Je pense qu'il y'a quatre ou cinq secteurs aujourd'hui qui [doivent] être l'objet de réformes [et qui peuvent rapidement relancer l'économie] 
[...] Premièrement il faut relancer le logement. [...] Si vous achetez aujourd'hui [et dans les deux ans,] un logement neuf, il serait exclu des droits de succession [quelle que soit la date de transmission du bien]
[...] Deuxièmement, il faut relancer l'investissement. Si vous investissez dans une entreprise non cotée pendant deux ans, vous pourrez léguer ces actions à vos enfants sans droits de succession.
Il précise en aparté...
Et ça, ça a un impact considérable, parce que l'argent qui dort dans l'épargne de différentes façons, pourrait être utilisé bien plus efficacement [...].
Je ne sais toujours pas ce que les gens entendent par "argent qui dort". Si l'argent que récoltent les banques servait à rembourrer des matelas, cela se saurait !


... et pas de matelas en vue !

Il poursuit...
Troisième mesure. On utilise de façon extrêmement gaspilleuse les 32 milliards de la formation professionnelle. Il faudrait consacrer immédiatement 5 milliards sur les 32 à former les chômeurs. [...] Une mesure qui serait par exemple radicale : si une entreprise embauche un chômeur, jeune, elle pourrait le payer en-dessous du SMIG, mais le jeune chômeur toucherait le SMIG parce que le complément de salaire viendrait de l'argent de la formation professionnelle. 
Quatrième mesure. Comme nous sommes en période de déflation, [...] c'est le moment absolument formidable et unique pour augmenter la TVA. [...] J'augmenterais la TVA de trois points. En échange, je baisserais les cotisations salariées du même montant. 
La cinquième est une mesure européenne. Il est urgent de lancer les grands investissements européens
Jacques Attali, BFMTV, Bourdin Direct, 08/2014. 

Faux-ami ?

[...] Les habitants des pays pauvres, en moyenne, vivent évidemment mieux maintenant qu'il y a trente ans, c'est indéniable. Mais il ne faut pas surestimer les effets, ni les attribuer systématiquement à la mondialisation, ils progressent car ils se développent vite, partant de très bas, comme nous l'avons fait nous-même, sans mondialisation. 
[...] D'ailleurs, les quelques pays d'Asie, à commencer par la Chine, qui tirent pleinement leur épingle du jeu de la mondialisation sont essentiellement ceux qui, au contraire de l'Amérique du Sud ou de l'Afrique, n'ont jamais appliqué les recettes intégristes de la vulgate financiariste et ont protégé leur économie. 
[...] Car le problème est que cette forme de mondialisation [ultralibérale] a poussé ces pays à tourner leurs économies vers l'exportation, plutôt que vers le développement de leur demande intérieure, les fragilisant en cas de crise, et les enfermant dans un modèle de développement non durable [...].
Olivier BERRUYER, Les faits sont têtus, Les arènes, 2013, p. 138.

Deux poids, deux mesures...

La chute du communisme a supprimé "l'ennemi" qui faisait peur aux riches et en limitait donc la rapacité. C'est cette pression qui a conduit bien des dirigeants comme Bismark, Churchill ou Roosevelt, qui étaient de grands bourgeois, à prendre de mesures sociales pour tempérer les excès du capitalisme ; le rendant plus acceptable par les peuples, ils en ont assuré la survie. 
Depuis 1989, l'ultralibéralisme se retrouve dans une situation de monopole contre nature, comme le souligne Lester Thurow : "Comment un système qui croit à la nécessité de la concurrence pour rendre les entreprises  efficaces pourrait-il lui-même s'adapter au changement et conserver son efficacité s'il n'a plus de concurrent ?"
Olivier BERRUYER, Les faits sont têtus, Les arènes, 2013, p. 98.

Planche à inflation ?

Mensonge n° 4 : l'utilisation de la planche à billets n'a jamais été une promenade de santé et a quasiment toujours eu des conséquences dramatiques pour toute la population. C'est à la suite de ces désastres financiers que des règles saines ont été mises en place. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 229.
Pour illustrer son propos, Olivier Berruyer propose cet édifiant graphique...


Comparons à l'inflation aux Etats-Unis et au Royaume-Uni...


Sans surprise l'inflation explose dans tous les pays à chaque déclenchement de guerre mondiale. Si l'on veut parler de l'impact des prêts accordés par la Banque de France il nous faut alors observer en dehors de ces moments dramatiques de l'histoire. Trois hausses significatives de l'inflation en France (et en France uniquement) et corrélées à une hausse des prêts de la BF, sont observables : grosso-modo autour de 1926, 1935 et 1955 sur le graphique. Un tableau des taux d'inflation par année permet de préciser les dates : 1926 (31,7 %), 1937 (25,7 %) et 1958 (15,1 %). FranceInflation.com.

Avant de poursuivre, on pourrait s'interroger sur l'ampleur de l'inflation en France comparée aux autres pays...
[Après 1936, la remontée des prix] fut plus marquée en France que dans le reste du monde, en raison du fait que la France connut à la fois une hausse plus forte des coûts de production et une dépréciation du franc, due en grande partie aux sorties de capitaux provoquées par l'inquiétude des milieux financiers durant les années du Front populaire (1936-1938). Pierre BEZBAKH, Inflation et désinflationBooks.Google.fr, p. 11.
Les largesses de la Banque de France ne semblent pas impliquées de manière significative. Mais que s'est-il donc passé ces années-là ?
[...] Suite à une crise de confiance, la France connaît un pic d'inflation en 1926. La stabilisation Poincaré rétablit la situation et conduit à la déflation jusqu'aux fortes hausses de salaire horaire du Front populaire en 1936Cairn.info
La "crise de confiance" en quelques mots...
Les coûts élevés du conflit, des pensions de guerre et ceux de la reconstruction, provoquent des déficits publics, qui sapent la valeur du franc [...]. Cette inflation [...] permet de diminuer l'endettement de l'Etat, [... et de stimuler] les exportations. [...] Le risque d'une aggravation de l'endettement extérieur est peu craint car la France compte sur les réparations financières dues par l'Allemagne. Cette situation monétaire favorise la croissance, mais sape la confiance dans la monnaie. SlideShare.net 
[...] La dépréciation monétaire se précipite, dirigée presque exclusivement par la fuite des capitaux vers l'étranger qui provoque la chute du franc et par les demandes de remboursements des bons du Trésor, contraignant l'Etat à une émission inopportune de moyens monétaires. Persee.fr, p. 44.
L'épisode 1936...
On remarquera le rôle passif joué par la monnaie dans l'évolution 1936-37 : les augmentations de la circulation et des disponibilités monétaires sont très lentes en dépit de la réapparition des avances de la Banque à l'Etat. Persee.fr, p. 56.
De fait, toutes les statistiques disponibles indiquent que la relance de l'inflation décidée par le Front Populaire a conduit à une relance importante des profits des entreprises en 1936-37. [...] Les très gros entrepreneurs ne furent certes pas les seuls à profiter de la reprise de l'inflation : cette dernière fut également très bénéfique pour l'ensemble des travailleurs non salariés, et notamment pour les paysans, qui avaient particulièrement souffert de la baisse des prix [les années précédentes]. Thomas PIKETTYLes hauts revenus en France au XXe siècleBooks.Google.fr.
L'année 1958...
A partir de 1956, une remontée sensible des prix se produisit en relation avec le début de la guerre d'Algérie : celle-ci provoqua en effet une hausse des dépenses de l'Etat alors que la main-d'oeuvre disponible diminuait, que le déficit extérieur se creusait et que les réserves de devises s'épuisaient. Pierre BEZBAKH, Inflation et désinflation, Books.Google.fr, p. 17.
Étonnamment, il est difficile de trouver des argumentaires incriminant une création monétaire menée par l'Etat de manière inconsidérée.
La ritournelle "les Etats ont autrefois beaucoup fait tourner la planche à billet et cela a fait beaucoup de mal" est très souvent utilisée, et pour tout dire, bien ancrée dans les mentalités, mais finalement, sans être solidement fondée et étayée (hormis quelques cas d'hyperinflation dramatiques mais aux contextes très singuliers, façon république de Weimar)...

Copain banquier...

Les détracteurs de la "privatisation de la dette publique par les méchants banquiers", vantent les mérites de dispositions légales abolies depuis la fameuse "loi de 1973", et qui permettaient alors à la France d'emprunter à la Banque de France sans verser d'intérêts et donc sans s'infliger une charge de la dette, source de tous nos maux actuels et prétexte des pourfendeurs de l'Etat providence...

Qu'en est-il réellement ?
Mensonge n° 1 : il ne s'est strictement rien passé de nouveau en 1973 par rapport à 1936. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 227.
C'est vrai. Et tous ceux qui font leur choux gras de la loi 1973 sans en parler doivent justifier cette omission, qui leur permet, par exemple, de singulariser cette loi à grands renforts d'antisémitisme (via la banque Rothschild)...
Et pour cause : [la fameuse interdiction] a [en réalité] été introduite par la loi du 24 juillet 1936. L’article 13 de ladite loi précise en effet que « Tous les Effets de la dette flottante émis par le Trésor public et venant à échéance dans un délai de trois mois au maximum sont admis sans limitation au réescompte de l’Institut d’Émission, sauf au profit du Trésor public. ». Contrepoints.org
En langage courant...
Quand un acteur avait besoin de liquidités, il demandait à la Banque de France d’escompter des titres de créance : l’acteur échangeait une obligation contre des liquidités. Si par exemple, un acteur X possédait une obligation française qui serait remboursée cinq ans plus tard, celui-ci pouvait demander à la Banque de France de lui avancer cette somme en échange de la promesse de rembourser quand l’obligation arriverait à maturité. Très pratique lorsque l’on avait besoin de liquidités rapidement. 
Cet article [de juillet 1936] énonce une règle simple : le Trésor public ne peut pas présenter ses propres obligations à la Banque de France. Il doit donc chercher des liquidités ailleurs [...] Contrepoints.org
L'article en question sur ce pdf disponible sur le site de la Banque de France...
Mensonge n° 3 : l'Etat n'a jamais utilisé la Banque de France comme banquier pour financer à long terme ses déficits. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 228.
La preuve dans les fameux graphiques d'Olivier Berruyer...

En tant que banquier  d'un client qui n'a guère de trésorerie (au vu de ses déficits permanents), la Banque a toujours accordé de légers découverts à l'Etat, afin qu'il puisse payer les salaires le temps que les impôts rentrent. L'Etat a aussi emprunté des sommes plus importantes, mais dans des circonstances dramatiques : les deux guerres mondiales. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 227.
Instructif. Cependant, les pourfendeurs de la loi de 1973, ne pointent pas tant l'impossibilité de faire du déficit à gogo, que les conséquences du déficit à travers les prêts à intérêts rendus obligatoires, selon eux, par cette loi...

Voici les deux courbes qui illustrent le mieux leur propos...


Et les conclusions qu'ils en tirent...
"... La maîtrise privée de la création monétaire est un verrou diabolique qui interdit en profondeur le droit des peuples à disposer d'eux-même." Etienne Chouard, Préface à La Dette Publique, une affaire rentable. André-Jacques HOLBECQ, Editions Yves Michel, 2011, p. 12. 
"En abandonnant au secteur bancaire le droit de créer de la monnaie, l'Etat s'est privé en moyenne d'un pouvoir d'achat de annuel représentant environ 5,2 % du revenu national." Maurice Allais. La Dette Publique, une affaire rentable. André-Jacques HOLBECQ, Editions Yves Michel, 2011, p. 55. 
[Le service de la dette de l'Etat], c'est prélever sur notre travail et notre production plus de 120 millions d'euros par jour, [...] et le transférer à ceux qui sont déjà les plus riches, qui d'ailleurs peuvent ainsi nous le reprêter à nouveau contre intérêt...". André-Jacques HOLBECQ. La Dette Publique, une affaire rentable.  Editions Yves Michel, 2011, p. 67.
Etc, etc... Disons pour simplifier leur propos, qu'en empruntant gratis à la Banque de France, le déficit, à défaut d'être résorbé, aurait au moins été contenu...

Il faut cependant peut-être relativiser cette conclusion...
[...] Sur les 1800 milliards de dette actuelle, environ 1100 milliards sont dus uniquement à la charge d'intérêt de la dette (qui pour rappel est d'environ 50 milliards d'euros par an sur les 5 dernières années). 
[...] L'idée sous-jacente est de se dire que si la France n'avait pas payé d'intérêt sur sa dette, comme cela était techniquement possible avant 1973, alors la dette de la France ne serait "que" de 700 milliards d'euros ! Et indirectement donc, que les 1100 milliards d'intérêt versés par l'Etat depuis 1973 (donc par le contribuable) ont servi à enrichir "les banquiers".
Comme on peut le voir graphiquement, la dette actuelle en pourcentage du PIB se situe dans les pays développés (courbe orange) à peu près au même niveau qu'à la fin de la seconde guerre mondiale. Graphiquement, on note une hausse dans l'ensemble des pays du monde de la dette en pourcentage du PIB à partir des années 1975 / 1980. La situation est la même partout dans le monde, malgré le fait que certains pays aient adopté bien avant ou bien après 1973 une loi du même type que la loi Giscard-Pompidou française. Cela plaide donc en faveur de l'hypothèse du Captain' comme quoi cette fameuse loi française de 1973 n'est pas LA cause de l'endettement français. CaptainEconomics.fr
Sans oublier le supposé manque de compétences de nos politiques...
Alors oui, si l'Etat s'était endetté à 0 %, il n'y aurait pas de dette publique aujourd'hui, en théorie ; en pratique, gageons que cela aurait été un prétexte pour dépenser plus et générer quand même une dette publique élevée, par facilité et irresponsabilité. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 237.

Charlot...

Si la misère de nos pauvres est provoquée non par des causes naturelles, mais par nos institutions, grande est notre faute !
Charles DARWIN

Sainteté...

L'Histoire est déterminée par la guerre, la cupidité, la soif du pouvoir, la haine et la xénophobie (et quelques autres motivations, plus admirables, intervenant de-ci, de-là). Nous estimons donc généralement que notre nature fondamentale est définie par ces traits humains évidents. Ne nous a-ton pas souvent dit que l'"homme" est, par nature, agressif et ne cherche qu'à accumuler égoïstement des richesses ? 
[...] Il est évident que la gentillesse et la violence font partie toutes deux de notre nature, parce que nous les manifestons constamment toutes les deux, et abondamment. [... Mais] la stabilité sociale règne presque tout le temps et doit nécessairement être fondée sur l'écrasante prédominance (bien que tragiquement non reconnue) des actes de bienveillance, ce qui veut dire que ce dernier comportement est donc notre attitude préférée la plus habituelle, presque tout le temps. 
[...] Le noyau de la nature humaine est exprimé par ces dix mille actes ordinaires de gentillesse qui façonnent notre quotidien. Qu'y a-t-il de plus tragique que ce paradoxe fondamental selon lequel l'Everest de la bienveillance se tient la tête en bas, en équilibre sur sa pointe, et peut basculer facilement sous l'impact d'événements rares, contraires à notre nature quotidienne, mais qui déterminent notre Histoire. En un certain sens profond, nous n'avons pas ce que nous méritons. 
La solution à notre malheur ne consiste pas à vaincre notre "nature", mais à briser la "grande asymétrie" et à permettre à nos dispositions ordinaires de gouverner notre vie. Mais comment faire pour installer le banal sur le siège du pilote de l'histoire ?
Stephen JAY GOULD, Comme les huit doigts de la main, Point, 1996, p. 347.

L'oeuf ou la poule, encore...

Les trois décennies d'après-guerre, les Trente Glorieuses, c'était un capitalisme strictement régulé et porteur d'un ambition sociale. La grande croissance que nous avons alors connue s'explique largement par des politiques systématiques de hauts salaires, voulues au nom de raisons macroéconomiques et visant à dynamiser le pouvoir d'achat [...].
Michel ROCARD, La politique telle qu'elle meurt de ne pas être.
Alain Juppé, Michel Rocard, débat conduit par Bernard Guetta. J'ai Lu. 2011. Page 36.

Ce raisonnement typiquement Keynesien est désormais souvent relativisé...
[...] On peut apporter quelque crédit à l'observation de COE-REXECODE, selon laquelle « toute tentative de relance de la consommation intérieure aboutirait à des « fuites à l'importation » croissantes et soutiendrait plus les importations que la production française ». Cet organisme indique que « sur longue période, entre les années 1973 et 1993, les importations françaises en volume avaient progressé à un rythme annuel 2,2 fois plus élevé que celui du PIB. Entre 1996 et 2006, l'élasticité des importations à la progression de [la] demande s'est accrue à 2,5 ». Au total, « le coefficient de « fuite à l'importation » a augmenté ce qui rend inopérant les tentatives de relances isolées »
Si ce diagnostic est peu contestable, il s'applique en revanche à la plupart des économies ouvertes et ne traduit pas en soi une quelconque spécificité de l'économie française, laquelle est soumise comme toutes les économies au mouvement d'internationalisation des échanges et des chaînes de production.

Déesse productivité...

On constate que la croissance de la valeur ajoutée (partie largement prépondérante du PIB) est bien la résultante de la croissance des trois autres éléments. 
[La diminution continuelle du temps de travail sur la période] a été salutaire car, à niveau de croissance donnée et à à productivité fixée par l'appareil productif, la quantité d'heures travaillées est fixée. Si le temps de travail n'avait pas diminué, c'est le nombre d'emplois qui aurait chuté. Cette baisse du temps de travail a donc permis de gérer en douceur les énormes gains de productivité, en évitant probablement environ cinq à six millions de chômeurs en plus. 
Toutefois, le fait marquant de ce graphique concerne la productivité horaire : on observe que son évolution est prépondérante dans celle de la valeur ajoutée et, donc, de la croissance. [...La contribution de] la quantité de travail [...] à la croissance est toujours inférieure à 20 % de celle de la productivité. Ainsi, on peut considérer que la quasi-totalité de la croissance des Trente Glorieuses a été due à de fabuleux gains de productivité.
Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, p. 232.

On peut mourir une fois sur mille, mais...

La Suède est à 2,1 [décès d'enfant avant l'âge de 1 an] pour mille [naissances vivantes], le Japon à 3. La France fait à peine moins bien que ces références obligées, à 3,4 en 2011 contre 52 pour mille en 1950. Elle réalise cette performance tout en absorbant une immigration souvent venue de pays à la mortalité infantile élevée. Son système de santé est décidément solide. Les Etats-Unis sont à 6 décès avant l'âge de 1 an pour mille naissances vivantes, presque au même niveau que la Pologne.
Hervé LE BRAS, Emmanuel TODD, Le mystère français, Seuil 2013, p. 20.

Production de temps libre...

PRODUCTION = PRODUCTIVITE x HEURES TRAVAILLEES
soit
PRODUCTION  = PRODUCTIVITE x DUREE DU TRAVAIL x NOMBRES D'EMPLOIS
Ainsi, il y a un lien net entre les gains de productivité et l'emploi. Imaginons qu'un constructeur automobile produise 100 voitures avec 100 ouvriers. Un gain de productivité de 5 % en une année signifie qu'il va être capable de produire 105 voitures avec ses 100 ouvriers. S'il y a 5 % de croissance de la demande, c'est ce qu'il produira. Mais bien évidemment, si la demande n'augmente que de 2 %, il ne produira que 102 voitures, ce qui ne nécessite plus que 97 ouvriers. Rapidement, si le temps de travail n'est pas abaissé, les gains de productivité induiront trois chômeurs... 
[...] C'est tout le drame du productivisme actuel : il y a des gains de productivité, mais une croissance faible. La quantité de travail est donc réduite, soit pas la baisse du temps de travail, soit par la baisse des emplois. Sans intervention publique, la décision appartenant aux entreprises, il est malheureusement logique qu'elles choisissent les licenciements, puisque cela n'a aucun coût pour elles à court terme. En revanche, le chômage augmentant nationalement, le coût de son indemnisation augmente aussi et, finalement, les entreprises paient plus de cotisations. Les deux solutions sont économiquement équivalentes : soit le système productif paie 100 personnes travaillant 35 heures, soit il en paie 90 travaillant 39 heures et indemnise 10 chômeurs pour qu'ils ne travaillent pas.

Olivier BERRUYER, Les faits sont têtus, Les arènes, 2013, p. 232.

Despotisme ruisselant...

Je ne saurais citer ici toutes les preuves tirées des sociétés primitives, mais je puis affirmer, en m'appuyant à la fois sur mes propres recherches et sur mes lectures, que dans ces sociétés où une fraction de la population vit dans la servilité, la condition de la femme, spécialement dans la vie conjugale, est proportionnellement inférieure à celle de l'homme. Ce fait apparaît souvent avec évidence dans les sociétés où la masse de la population est assujettie à une classe dirigeante qui l'exploite. Selon la remarque pertinente de Montesquieu, deux choses sont étroitement liées : le pouvoir despotique du prince entraîne naturellement la servitude de la femme ; l'esprit de la monarchie, la liberté de la femme.
E.E. EVANS-PRITCHARD, La femme dans les sociétés primitives, p. 38.

Binro des bois...

On peut estimer que, globalement, environ 75 % des dettes publiques sont détenues par les 10 % des ménages les plus aisés, et ne représentent d'ailleurs qu'une fraction de leur patrimoine.
Voir ici qui sont ces "10 % " >> 
Il est donc tout à fait possible de restructurer la dette sans impacter 90 % des épargnants.
[La dette publique] est une injustice viscérale, puisqu'elle consiste à emprunter de l'argent à des détenteurs d'épargne contre rémunération au lieu de prendre cet argent au titre de l'impôt. Cela implique de lever des impôts sur toute la population [...] pour payer des intérêts aux détenteurs de patrimoine.
[...] Le top 10 % [possède] environ 75 % de l'épargne financière et ne [perçoit] "que" 25 % des revenus.
Au final, la dette publique, c'est donc un impôt à l'envers, où l'on prend clairement aux pauvres pour donner aux riches.


Olivier BERRUYER, Les faits sont têtus, Les arènes, 2013, p. 232.

Je te tiens, tu me tiens...

[...] On oublie vite que si les sociétés nationales et la dette publique sont en grande partie détenues par le reste du monde, on détient des actifs équivalents à l'étranger au travers de contrats d'assurance vie et de multiples produits financiers. [...] Les actifs financiers détenus en France par le reste du monde représentent 310 % du revenu national en 2010, et les actifs financiers détenus par les résidents français dans le reste du monde représentent 300 % du revenu national, d'où une position négative de - 10 % [- 20 % aux Etats-Unis].
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 220.

Après les banksters, les bankrioleurs...

Si l'on avait la même politique du logement qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas, quelqu'un qui vit dans 60 m² verrait son loyer mensuel baisser de 250 € [en quelques années]. Pourquoi on ne le fait pas : parce que certains banquiers préfèrent que le fond de réserve des retraites soit mis sur les marchés financiers plutôt que d'être mis sur le logement (contrairement à ce qui a été fait aux Pays-Bas).
Pierre LARROUTUROU, France Inter, 3D le journal, 15/04/2012.
Les Berlinois paient des loyers quatre fois inférieurs à ceux des Parisiens.
Manuel DOMERGUE, Alternatives Economiques, 05/2012, p. 17.

Pierre Larrouturou parle de politique du logement en Allemagne, mais selon Thomas Piketty, les bas loyers pourraient avoir une autre explication...
[...] Les fortes hausses de prix qui ont eu lieu partout ailleurs au cours des années 1990-2000 ont été bridées outre-Rhin par l'unification allemande, qui a conduit à mettre sur le marché un grand nombre de logements à bas prix. Pour justifier un possible écart à long terme, il faudrait toutefois des facteurs plus durables, par exemple une plus forte régulation des loyers outre-Rhin.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 220. 

Des loyers moins chers peuvent avoir toutes sortes de répercussions...

Social-capitalisme...

La particularité de la trajectoire française est qu'après avoir connu des heures fastes dans les années 1950-1970, la propriété publique est retombée à des étiages très faibles à partir des années 1980-1990, alors même que les patrimoines privés, immobiliers et financiers, atteignaient des niveaux encore plus élevés qu'au Royaume-Uni : près de six années de revenu national au début des années 2010, soit vingt fois plus que le patrimoine public. Après avoir été le pays du capitalisme d'Etat dans les années 1950, la France est devenu la Terre promise du nouveau capitalisme patrimonial privé du XXIe siècle.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 220. 

Trente perdantes...

Des années 1950 aux années 1970, les pays anglo-saxons ont été rapidement rattrapés par les pays qui avaient perdu la guerre. A la fin des années 1970, les couvertures de magazine se multiplient aux Etats-Unis pour dénoncer le déclin américain et les succès des industries allemandes et japonaises. Au Royaume-Uni, le PIB par habitant tombe au-dessous des niveaux de l'Allemagne, de la France et du Japon, voire de l'Italie. Il n'est pas interdit de penser que ce sentiment de rattrapage, voire de dépassement, dans le cas britannique, a joué un rôle majeur dans l'émergence de la "révolution conservatrice". Thatcher au Royaume-Uni, puis Reagan aux Etats-Unis promettent de remettre en cause ce Welfare State qui a ramolli les entrepreneurs anglo-saxons, qui permettrait au Royaume-uni et aux Etats-Unis de reprendre le dessus.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 158.

Illusion croissante...

[...] Nous continuons dans une large mesure d'être imprégnés de l'idée selon laquelle la croissance se doit d'être d'au moins 3 % ou 4 % par an. Or ceci est une illusion au regard de l'histoire, comme de la logique. 
[...] Il n'existe aucun exemple dans l'histoire d'un pays se trouvant à la frontière technologique mondiale et dont la croissance de la production par habitant soit durablement supérieure à 1,5 %. 
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 158.

Trip...

On fit comme toujours un voyage au loin de ce qui n'était qu'un voyage au fond de soi.
Victor SEGALEN.

Privatisation de PIB...

Si un système d'assurance santé privé coûte plus cher qu'un système public, sans que la qualité des soins soit véritablement supérieure, comme le laisse à penser la comparaison entre Etats-Unis et Europe, alors le PIB sera artificiellement surévalué dans les pays reposant davantage sur un système privé.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 155.

Des bébés contre les inégalités...

Toute autres choses égales par ailleurs, une croissance démographique forte tend [...] à avoir un rôle égalisateur, car elle diminue l'importance des patrimoines issus du passé, et donc de l'héritage : chaque génération doit en quelque sorte se construire elle-même.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 141.

Détournement...

[...] 20 % du capital africain est actuellement possédé par des propriétaires étrangers. [...] Compte tenu du fait que certains éléments de patrimoine (par exemple l'immobilier d'habitation, ou le capital agricole) ne sont qu'assez peu possédés par les investisseurs étrangers, cela signifie que la part du capital domestique détenu par le reste du monde peut dépasser 40 % - 50 % dans l'industrie manufacturière, voire davantage dans certains secteurs. Même si les balances officielles ont de nombreuses imperfections, [...] il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'une réalité importante de l'Afrique actuelle. Page 118. 
Il n'est pas interdit de penser que [...l'] instabilité [politique chronique dans les pays africains notamment] s'explique en partie par la raison suivante : quand un pays est pour une large part possédé par des propriétaires étrangers, la demande sociale d'expropriation est récurrent et presque irrépressible. D'autres acteurs de la scène politique répondent que seule la protection inconditionnelle des droits de propriété initiaux permet l'investissement et le développement. Le pays se retrouve ainsi pris dans une interminable alternance de gouvernements révolutionnaires [...] et de gouvernements protégeant les propriétaires en place et préparant la révolution ou le coup d'Etat suivant. Page 121.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013.

Grand gâteau...

Au niveau mondial, la population avoisine les 7 milliards d'habitants en 2012, et le PIB dépasse légèrement les 70 000 milliards d'euros. [...] Si l'on retire 10 % au titre de la dépréciation du capital et si l'on divise par douze, [... on constate que] si la production mondiale et les revenus qui en sont issus étaient répartis de façon parfaitement égalitaire, alors chaque habitant de la planète disposerait d'un revenu de 760 euros par mois.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 108.

De la constance du conservatisme...

[...] L'impôt progressif sur le revenu global [...] est créé un peu partout autour de la Première Guerre mondiale (1909 au Royaume-Uni, 1913 aux Etats-Unis, 1914 en France [...]). Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 19.

Dès le XVIIIe siècle, il y eut en Angleterre une initiative que l’on peut considérer comme équivalente, pour l’époque, à l’actuel RMI. Il s’agit du Speenhamland Actadopté en 1795 par les juges du Berkshire. Alors que la loi sur les enclosures répartit les terres agricoles entre des propriétaires exclusifs, les journaliers paysans et les ouvriers ne peuvent plus exploiter les terrains communaux pour s’assurer un complément de subsistance, ce qui se traduit par un développement de la pauvreté. Les juges de Speenhamland décident alors de leur allouer un complément de ressources afin de leur garantir un minimum vital. Wikipédia.

Les organisations ouvrières et les corporations de métier sont interdites par la Loi Le Chapelier promulguée le 14 juin 1791, les syndicats ouvriers ne sont légalisés en France qu'après la Loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884.Wikipédia
Trade unions were finally legalised in 1871, after a Royal Commission on Trade Unions in 1867 agreed that the establishment of the organisations was to the advantage of both employers and employees.Wikipédia

Droit de vote des femmes : France 1944, Grande-Bretagne 1928, Etats-Unis et Allemagne 1919, etc... Wikipédia.

Abolition (définitive) de l'esclavage : France 1848, Grande-Bretagne 1838, Etat Danois 1792... Wikipédia.

Mariage homosexuel : France 2013, Pays-Bas 2001, Belgique 2003, Espagne 2005... Wikipédia

Plus y'a de fous...

L'Hexagone voit sa population progresser à un rythme soutenu tout au long du XVIIIe siècle [...]. Tout laisse à penser que ce dynamisme démographique, inconnu au cours des siècles précédents, a effectivement contribué à la stagnation des salaires agricoles et à la progression de la rente foncière dans les décennies menant à la déflagration de 1789.
Thomas PIKETTY, Le capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 19.

Parigot tête de veau...

Tandis que tous les autres [Etats européens] sont le produit d'une seule communauté linguistique, et, souvent, d'une unité religieuse, celui de la France, cas unique en Europe, est le fruit de la victoire militaire d'un petit prince plus militarisé que d'autres [Philippe le Bel...]. 
Pour construire l'Etat français, nous avons détruit la culture bretonne, la culture occitane (au moins 500 000 morts), la culture alsacienne, la culture flamande [...] et nous avons, en gros, fait subir la même chose au petit morceau basque. La Corse, ça s'est fait dans des conditions telles et si tard que ça fait encore mal. 
[...] Il résulte de cette triste singularité une grande méfiance du terroir français envers Paris et le centralisme parisien qui se sont imposés par la force des armes. La conséquence est que depuis le début du XXe siècle, nous avons constamment eu, même du temps de l'Espagne franquiste, plus de policiers pour 10 000 habitants que n'importe quel Etat européen. Conséquence symétrique, l'Etat central, qu'il soit républicain, royaliste ou impérial, ressent une méfiance toute aussi grande à l'égard des collectivités locales qui bénéficient de beaucoup moins d'autonomie chez nous que n'importe où ailleurs.
Michel ROCARD, La politique telle qu'elle meurt de ne pas être.
Alain Juppé, Michel Rocard, débat conduit par Bernard Guetta. J'ai Lu. 2011. Page 60.