Animal social...

[Salomon Ash] s'est demandé si les individus étaient prêts à ignorer les preuves irréfutables fournies par leurs propres sens. Dans ces expériences célèbres, le sujet est intégré à un groupe de sept à neuf personnes qui sont en réalité complices du chercheur. La tâche est d'une simplicité risible : il s'agit de comparer une ligne tracée sur un carton blanc à trois autres lignes, et de l'associer à celle dont la longueur est identique. Les deux autres sont d'une taille nettement différente, entre deux et quatre centimètres de plus ou de moins. 
[...] Aussi incroyable que cela puisse paraître, la plupart des cobayes finissent par céder à la pression du groupe au moins une fois dans une série de tests. Quand on leur demande de choisir la bonne ligne, ils se trompent dans moins de 1 % des cas. Mais le taux d'erreur grimpe à 36,8 % quand le reste du groupe fournit la mauvaise réponse. Dans une séquence de douze sessions, pas moins de 70 % des sujets se rangent ainsi à l'avis général, sans tenir compte des preuves que leur fournissent leurs propres yeux
[...] Quand les gens partageant les mêmes idées se mettent à discuter, ils finissent le plus souvent par adopter une position plus marquée encore qu'avant la discussion. Ce phénomène de polarisation s'observe dans tous les domaines. Si un groupe particulier estime que tel chef d'Etat est un criminel, que tel grand patron est un escroc, ou même que l'un de ses membres est un traître, tout débat interne ne fera que renforcer ses craintes. 
[...] Quand des individus prônent d'emblée une réaction forte, ils en appellent à une réaction encore plus forte après débat entre eux. [...] L'échange d'information renforce les certitudes préexistantes [... et] nos opinions sont parfois dictées par l'image que nous souhaitons donner de nous.
Cass R. Sunstein (2012), Anatomie de la rumeur, Markus Haller.
Books, 10/2012, p. 94.

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