The Georges touch...

Où comment un spéculateur s'y prend, très concrètement, pour "attaquer un État"...

Pour se faire, le spéculateur s'en prend à sa devise (sa monnaie) en pariant (massivement) sur la baisse future de sa valeur. L'exemple le plus souvent cité est The black wednesday (le mercredi noir) du 16 septembre 1992, le jour où Georges Soros a fait "sauter la Banque d'Angleterre" en attaquant la livre sterling.
La technique consiste à emprunter dans la monnaie fragile (celle que l'on souhaite voir baisser), la convertir en une monnaie forte le temps qu'elle perde de la valeur, puis reconvertir en sens inverse en récupérant au passage une beau profit.

Exemple théorique...
Imaginons que le taux de change de l'euro en dollars soit 1 € = 1,45 $. Vous pensez que l'euro va baisser et ne vaudra plus dans un mois que, mettons, 1,40 $.

1. Vous empruntez 100 € à votre banque (vous êtes un spéculateur prudent...) à un taux de, par exemple, 4 % (taux d'intérêts de la Banque centrale européenne).
2. Vous convertissez le même jour cette somme en dollars (ce qui revient à acheter des dollars). Vous disposez alors de 145 $.
3. Vous placez aussitôt ces 145 $ à, disons 2 % (taux d'intérêts de la FED). A ce stade-là, avec seulement 100 € vendus, aucune chance d'influer sur le cours de l'euro. Un gros investisseur (fonds d'investissement privé comme celui de Georges Soros, fonds de pension ou hedge funds), lui, peut échanger plusieurs milliards d'euros. Cette offre massive pousse le cours à la baisse, sans parler d'un éventuel effet de panique qui peut accentuer cette baisse (que peut bien cacher une telle offre de vente !).
4. Après un mois, l'euro perd environ 10 %. Le nouveau taux de change est alors de 1 € = 1,30 $. Vous ressortez vos dollars avec les intérêts du placement...
145 x 2 % x 30/360 = 0,24 $.
Vous possédez donc 145,24 $ que vous convertissez en euros...
145,24 x 1/1,30 = 111,72 €.
Vous remboursez l'emprunt et les intérêts...
100 + (100 x 4 % x 30/360) = 100,33 €.
Votre gain net...
111,72 – 100,33 = 11,39 €.
A partir de rien (vous avez emprunter les 100 euros de départ à votre banque), vous avez gagné plus de 11 euros : c'est ce que les financiers appellent un effet de levier. Imaginez que vous soyez Georges Soros : vous misez alors non pas 100 €, mais... 7 000 000 000 € ! 

Exemple de Georges Soros...

1. Il détecte la divergence entre les cours du marché et les fondamentaux de l'économie. En particulier parce que le taux d'inflation au Royaume-Uni, plusieurs fois supérieur au taux allemand, ne permettait plus de conserver un taux de change supérieur à 2,70 marks la livre, imposé par le SME (Système monétaire européen). Il était persuadé que la livre devrait baisser tôt ou tard...
2. Avant le 15 août, Quantum, son fonds d'investissement, emprunte 14 milliards de dollars en livre (avec seulement 1 milliard de dollars de garanties, uns sorte d'apport personnel, en somme...).
3. Il vend à découvert (il short via des sterling put options) pour 7 milliards de livres.

Voir cet article didactique pour mieux comprendre le fonctionnement des produits dérivés >>

4. En parallèle, il achète pour 6 milliards de dollars de marks, 500 millions de dollars de francs, 500 millions de dollars d'actions anglaises censées monter lors d'une dévaluation de la livre, prend des positions "longues" (se porte acheteur à terme, c'est-à-dire pari sur une hausse des cours) sur les marchés obligataires allemands et français, et des positions "courtes" (vend à découvert, c'est-à-dire pari sur une baisse des cours) sur leurs marchés boursiers.
5. Ensuite, il se répand dans la presse financière afin d'entraîner d'autres spéculateurs à sa suite.
6. La Bank of England dépense 50 milliards de dollars de réserves pour tenter de contrebalancer la chute du cours de la livre (elle essaie an vain de racheter ces milliards de livres proposés à la vente).
7. Un mois plus tard, en ultime recours, elle relève ses taux d'intérêt de 10 % à 12 % (et promet même, en désespoir de cause, un nouveau relèvement à 15 % pour convaincre les investisseurs d'acheter de la livre. Ils ne suivent pas. La devise perd 24 % en 3 mois. Le mark et le franc ont pris brutalement 7 %. Les obligations françaises et allemandes ont pris 3 %. Wikipédia.
8. Georges Soros exerce alors ses options en achetant au comptant une livre bien moins chère qu'il ne la revend et empoche au passage autour d'un milliard de dollars.

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