Corde au cou...

Sous la surface du développement des sociétés : le prix de la fiancée...
Toutes les sociétés horticoles, toutes celles de pasteurs, à quelques exceptions près [...], ont le prix de la fiancée [la dot consiste en un "paiement"]. Les chasseurs-cueilleurs sédentaires-stockeurs l'ont aussi [...]. Mais les chasseurs-cueilleurs nomades ne l'ont pas. 
Pourtant ils "paient" aussi, peut-on dire, pour les femmes, mais autrement : ils paient de leur personne. Le gendre se met au service du beau-père pendant des mois, des années, la longueur de ce temps coutumier étant très variable selon les cas [...] jusqu'à ce que, enfin, il puisse emmener la fille qui sera désormais considérée comme mariée. C'est ce que l'on peut appeler le "service pour la fiancée" [...]. Un tel brideservice se rencontre chez pratiquement tous les peuples agricoles ou éleveurs, mais c'est toujours, chez ces peuples, une type de mariage secondaire, [...] dévalorisé auquel le gendre a recours s'il ne dispose pas des biens du prix de la fiancée. [...] Mais chez les chasseurs-cueilleurs nomades, [...] c'est le seul, le mode normal et régulier. En tout cas chez les Pygmés, Négritos de Malaisie, les San [Bochimans], les Athapaskans et les Algonkins du Canada, les Shoshones du Grand Bassin, les chasseurs des Pampas, les Fuégiens, etc. 
La convergence de toutes ces données est claire : les chasseurs-cueilleurs sédentaires-stockeurs sont socialement très semblables à des céréaliculteurs, formant partout des sociétés fortement structurées par la richesse, alors que cette richesse semble ne jouer aucun rôle chez les chasseurs-cueilleurs nomades. Page 217. 
[...] Les chasseurs-cueilleurs [...] qui pratiquent normalement le service pour la fiancée, ont de bonnes raison d'améliorer la production, permettant d'abréger le temps du service ou même de l'abroger en donnant des biens à la place. Rien de tel [chez les Aborigènes d'Australie], non seulement parce que les obligations sont à vie [...], mais aussi parce que la quantité de ce qui est demandé n'est pas stipulée comme dans un contrat [...]. C'est pourquoi je dis que le chasseur n'a pas, dans ce type, d'intérêt ni d'incitation à accroître sa production. Page 275.
Alain TESTART, Avant l'Histoire, Gallimard 2012.

Indécis...

[...] Le plus inquiétant, c'est même pas de sortir du nucléaire, parce que le nucléaire, [de fait], on en sort tout doucement parce qu'on n'a rien décidé.
[...] Les gouvernants ont décidé, en bon gouvernants actuels, de ne rien décider, c'est-à-dire de tout confier aux marchés. Alors qu'on sait très bien à quel point le marché est efficient pour, évidemment, baisser le prix de l'énergie qui n'a jamais cessé d'augmenter depuis que le marché, en particulier de l'électricité, a été libéralisé. On sait très bien que cette libéralisation a asséché les comptes d'EDF qui, plutôt que d'investir dans l'entretien des centrales nucléaires, a été incitée à acheter des centrales à droite à gauche, ce qui a plombé ses comptes. Et puis le marché du carbone, on sait à quel point il est efficace. Ça a rapporté des milliards aux fraudeurs [récupération frauduleuse de TVA], ça a coûté 1,5 milliards sans doute, à l'État français ; y'a toujours pas de procès d'ailleurs... 
[...] En tenant compte des 40 ans [durée de vie des réacteurs dont il est question], il y'aura [...] 22 réacteurs de 900 MWh chacun qui vont devoir fermer. 2020, c'est dans sept ans. 22 réacteurs de 900 MWh, ça fait 20 GWh en moins. On va les remplacer par quoi ? Ce qu'il y a de terrifiant dans le problème actuel, c'est que personne n'a décidé de quoi que ce soit. On est un pays qui en douze ans, entre 1979 et 1991 a fabriqué 45 réacteurs nucléaires. 80 % de notre capacité nucléaire a été érigée en douze ans aux frais du contribuable et aux frais de nos factures. Et on s'est endormi sur nos lauriers et aujourd'hui on est incapables de décider quoi que ce soit. La "nucléocratie", si j'ose dire, n'a même pas été dans sa logique qui aurait dû la pousser à continuer régulièrement à fabriquer des réacteurs. [...] On a fait un EPR, mais parce qu'on a perdu du savoir faire, on n'arrive pas à le faire. Y'a même pas de décisions pour remplacer concrètement ces 20 GWh par d'autres sources de production d'énergie. 
Frédéric DENHEZ, France Inter, CO2 mon amour, 25/05/2013.

Peinards...

Les observations très précises, chiffrées en temps de travail, de Richard Lee sur les Kung, population San (Bochimans) du Botswana, et les recherches ethno-historiques de Sahlins montrèrent [...] sauf peut-être dans les raisons arctiques, que les chasseurs-cueilleurs ne passaient en moyenne, par jour, pas plus de quatre ou cinq heures pour acquérir leur nourriture. Ainsi, ces chasseurs-cueilleurs, dont beaucoup vivaient dans des régions désertiques ou quasi désertiques, travaillaient moins, et même beaucoup moins que les travailleurs des sociétés industrielles.
Alain TESTART, Avant l'histoire. Gallimard, 2012, p. 119.

Fiscalité de Ponzi...

Selon une enquête publiée [...] par l'agence Bloomberg, Chesapeake, numéro deux du gaz naturel aux États-Unis, a réalisé 5,5 milliards de dollars de profits avant impôts en vingt trois années d'existence, mais ne s'est acquitté sur cette période que de 53 millions d'impôts sur les bénéfices. Soit 1 % alors que le taux en vigueur aux États-Unis est théoriquement de 35 %. [...] Les sociétés pétrolières ont [en effet] le droit d'inscrire dans leurs comptes les lourds investissements nécessaires à la réalisation d'un puits dans l'année où l'argent est dépensé, plutôt que d'étaler l'amortissement sur la durée d'exploitation du gisement. Ce qui permet à une société qui multiplie les nouveaux forages de différer sans cesse le paiement de ses taxes
[...] Le patron de Chesapeake a touché au cours de la seule année 2008 deux fois le montant versé par son entreprise au titre de l'impôt sur les sociétés en deux décennies.
Antoine de RAVIGNAN, Alternatives Economiques, 02/2013, p. 45. 

L'exemple Apple...
[...] En 2011, la filiale irlandaise d'Apple (qui centralise les ventes d'iPad, iPhone et d'autres produits) a déclaré 22 milliards de dollars de bénéfices avant impôts et n'a payé que 10 millions d'impôts. [Ainsi] entre 2009 et 2011, 74 milliards de bénéfices avant impôts auraient échappé au fisc américain, rapporte le Financial Times.
Et ce que la défense en dit...
[... Apple] compte [...] insister sur le fait qu'elle a "créé des centaines de milliers d'emplois" et "généré des milliards de dollars de ventes pour les développeurs de logiciels". L'entreprise a contribué à hauteur de 6 milliards de dollars au budget américain en 2012. Elle se dit prête à verser davantage d'argent au Trésor américain si nécessaire. Apple "a d'importantes liquidités à l'étranger car il vend la majorité de ses produits en dehors des Etats-Unis", s'est défendu [Tim Cook] mardi, affirmant qu'il "gère avec attention ses liquidités à l'étranger pour soutenir ses activités internationales dans le meilleur intérêt de ses actionnaires".

Usine à impôts...

Sous la surface de l'impôt sur les sociétés en France...
3. Pour un taux d'imposition sur les sociétés de 33,3 %, les entreprises paient en moyenne 18 %, avec de fortes disparités : 30 % pour les entreprises de moins de 20 salariés et 8 % en moyenne pour les entreprises du CAC 40, certaines d'entre-elles ne payant absolument pas d'impôts. Christian CHAVAGNEUX, Alternatives Economiques, 05/2013, p. 59. 
2. Les entreprises du CAC 40 ont un taux d'imposition de 8 %. Si l'on enlève les entreprises publiques, c'est 3,5 %. C'est le Conseil des prélèvements obligatoires qui l'a montré. Christian CHAVAGNEUX, France 3, Le monde d'après, 12/11/2012. 
1. Au classement du World economic forum, sur la taxation moyenne des entreprises, en tenant compte de tous les impôts, la France est 128e sur 142. BFM, Les experts, 10/10/2012.

Productivité optimisée...

Les [travailleursFrançais sont parmi les plus productifs au monde [avec 75 000 € de richesses produites en 2012 par emploi]. [...] Mais les Irlandais sont censés être beaucoup plus efficaces encore avec 89 000 euros par emploi [...]. Une fiction qui ne résulte que des manipulations frauduleuses des multinationales pour transférer en Irlande les bénéfices réalisés ailleurs en Europe
[Ces multinationales] pratiquent l'optimisation fiscale de façon de plus en plus agressive, via les "prix de transferts" auxquels les différentes entités d'un groupe se vendent ou s'achètent produits et prestations de services afin de localiser les profits là où l'imposition des bénéfices est la plus faible, ce qui n'est pas le cas de la France. Comme le souligne l'économiste Philippe Askenazy, ce facteur peut avoir un effet non négligeable tant sur [la] valeur ajoutée [des pays] que sur leurs profits et le déséquilibre des échanges extérieurs.
Guillaume DUVAL, Alternatives Economiques, 11/2012, p. 7.

Dans le même genre, la Suisse...
[...] Si la Suisse regroupe moins de 2 % des effectifs à l'étranger de l'ensemble des entreprises françaises présentes hors du territoire, le pays pèse pour 9 % de leur chiffre d'affaires étranger. Un écart qui n'est sûrement pas dû à une exceptionnelle productivité de l'employé suisse...
Christian CHAVAGNEUX, Alternatives Economiques, 05/2013, p. 59.

Vert de travail...

Sous la surface de la transition écologique : les emplois perdus, les emplois gagnés...
5. [...] Quand l'électricité sera produite par des éoliennes en mer, la production coûtera trois ou quatre fois plus, soit 100 000 € de plus [des 40 000 euros environ que coûtent au consommateur 1 GWh d'électricité nucléaire]. HPrevot.fr.
Henri Prévot ne prend pas en considération les possibilités d'économie et de sobriété énergétiques, prônées par exemple par l'association négaWatt. Voir 3...
[...] Dans l'industrie, la valeur ajoutée moyenne par personne employée est de 100 000 €. 
[...] Cette différence de 100 000 € permet [donc] de rémunérer pendant un an un emploi de plus que lorsque l'électricité est nucléaire. 
[...] Si les consommateurs avaient acheté de l’électricité nucléaire, ils auraient utilisé ces 100 000 € à autre chose. 
[...] Le ministre de l'Education nationale nous a dit que la suppression de 16 000 postes d'enseignants diminue les dépenses salariales de son ministère de 380 millions d'euros par an. Les 100 000 € dépensés en plus permettraient donc de maintenir à leur poste 4 enseignants pendant un an. Le même calcul donnera des résultats du même ordre pour les éducateurs ou des policiers ou encore 2 ou 3 chercheurs. 
[...] Nous consommons aujourd'hui 400 TWh (400 000 GWh) nucléaires par an. En remplacer la moitié par des éoliennes et du photovoltaïque créerait donc 200 000 emplois nets dans le secteur de l'énergie sans production supplémentaire d'électricité et détruirait des emplois (ou, ce qui revient au même, empêcherait d'en créer) au nombre de 400 000 à 500 000 dans d'autres secteurs fort utiles à notre société. 
L'association négaWatt aboutit à de tout autres résultats. Voir 4...
Et je ne compte pas les emplois qui seront perdus lorsque la hausse du prix de l'électricité aura rendu notre industrie moins compétitive. HPrevot.fr.
Sur le sujet de l'industrie, l'association négaWatt reconnaît que "la transition énergétique va de pair avec une profonde évolution de l’industrie [...]".
4. La mise en œuvre du scénario négaWatt aboutit à un effet positif sur l’emploi, de l’ordre de 240 000 emplois équivalent temps-plein en 2020 et 630 000 en 2030. Nous étudions la sensibilité des résultats aux hypothèses sur les prix de l’énergie importée, l’évolution de la productivité du travail, la répartition du coût entre ménages et administrations publiques, et enfin l’arbitrage consommation-épargne. L’effet sur l’emploi reste largement positif dans tous les cas. NegaWatt.org.
3. [... Le scénario négaWatt repose en particulier sur] une politique très volontariste de sobriété et d’efficacité énergétique, aboutissant à une diminution en 2050 de la demande en énergie primaire de 65 % par rapport à la situation en 2010 : l’exploitation du « gisement de négaWatts » permet de faire les 2/3 du chemin ! NegaWatt.org.
2. [...] La mise à niveau de sûreté « post-Fukushima » des 58 réacteurs français, qui engloutirait près de 60 milliards d’euros sans qu’un seul KWh supplémentaire soit produit ! Mise dans la compensation du « surcoût » actuel du photovoltaïque, cette somme permettrait de financer une production d’électricité solaire supérieure à un an de production de tout le parc nucléaire français ; investie en totalité dans la construction de systèmes photovoltaïques elle permettrait de produire plus de 20 TWh par an dès aujourd'hui et pour au moins 20 ans. Dans les  deux cas, elle contribuerait à accélérer la baisse des coûts vers la compétitivité du photovoltaïque. NegaWatt.org.
1. On évalue, pour l'ensemble du parc nucléaire français, le nombre d'emplois nécessaires [au démantèlement] à à peu près 6 000. Françis SORIN, France Inter, Le téléphone sonne, 29/08/2012.

Bail en or...

Sous la surface des prix de l'immobilier...
Des prix de l'immobilier élevés, une crise du logement criante et des dépenses publiques pour le logement très importantes, c'est l'équation française. 45 milliards d'euros ont été dépensés en 2011, soit 2,25 % du PIB. [...] A l'inverse, en Allemagne, ces aides diminuent et les prix de l'immobilier sont restés stables. Faut-il en conclure que ces dépenses sont inutiles, voire contre-productives ? C'est notamment la position défendue par les économistes Etienne Wasmer et Alain Trannoy dans un rapport récent du Centre d'analyse économique. En effet, dans un marché où les prix sont libres mais où l'offre est contrainte par de nombreux obstacles réglementaires et un manque de foncier disponible, toute subvention risque d'avoir des effets inflationnistes.
Manuel DOMERGUE, Alternative Economiques, 05/2013, p. 14.



Jean-Marc JANCOVICI, au détour de sa réflexion sur la dépense énergétique, souligne le rôle de la généralisation des divorces...
[…] Le divorce […] demande deux fois plus de logements (à construire et à chauffer), deux fois plus d'objets de la vie courante à fabriquer, et un surplus de déplacements pour les visites des enfants. […] Il semble donc parfaitement logique que les pays où le divorce est le plus répandu sont aussi les pays où l'abondance énergétique est la plus marquée.

Sobriété...

[...] On n'a assisté à aucune "explosion" [des dépenses publiques] au cours des dernières années, comme on l'entend souvent. Entre 2000 et 2012, les dépenses publiques ont augmenté en volume (c'est-à-dire une fois l'inflation déduite) et par habitant de 15 % en France, contre 14,8 % en Allemagne. C'est moins que la moyenne de la zone euro, deux fois moins qu'aux Etats-Unis et trois fois moins qu'au Royaume-Uni
[...] Du côté de l'appareil d'Etat [...] on ne constate là non plus, aucune dérive. [Son] fonctionnement [...] (salaires et consommations intermédiaires du secteur public) pesait 18,5 % du PIB en 2000, période faste pour le secteur privé, et 18,7 % en 2012, malgré la crise. De plus, l'appareil d'Etat français coûte non seulement nettement moins cher que celui des pays scandinaves, mais aussi que celui du Royaume-Uni (23,5 %) et des Etats-Unis (19,9 %). 
[...] En 1997, la France consacrait [...] 7,6 % de son PIB à l'éducation. Une part tombée à 6,9 % en 2011. La dépense d'éducation avait même pour la première fois baissé en volume entre 2010 et 2011 [...]. Une tendance à contre-courant des autres pays de l'OCDE [excepté Israël]. En 2009, [la France, avec 6,3 % de son PIB consacré à l'éducation,] était toujours légèrement au-dessus de la moyenne de l'OCDE [6,2 %]. Devant l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne, mais derrière les Etats-Unis, la Suède et la Finlande. Le problème, c'est que malgré cet investissement conséquent, les résultats ne suivent pas... 
[...] La France est loin d'être le pays le plus généreux avec ses chômeurs : les Pays-Bas, par exemple, consacrent une part deux fois plus importante de leur richesse nationale à chaque demandeur d'emploi. [Autriche, Allemagne, Danemark, Finlande, Irlande dépensent aussi plus que la France. Italie, Espagne, Grèce, Portugal et Suède dépensent moins].
Guillaume DUVAL, Alternatives Economiques, 05/2013, p. 9.

Pourtant, selon le supplément Eco & Entreprise du Monde daté du 16/05/2013, la part des dépenses publiques dans le PIB en France est passée, entre 2001 et 2012, de 51,7 % du PIB à 56,6 % (soit 9,5 % de hausse) contre 47,2 % à 49,9 % en Allemagne (soit 5,7 %) et 47,6 % à 45 % pour la moyenne européenne (soit une baisse de 5,5 %)...