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Lobbying bancaire...

[...] D'après les statistiques analysées sur cinq années par l'ONG Corporate Europe Observatory (CEO), spécialiste des lobbys européens, le secteur financier européen emploie au moins 1700 lobbyistes. Un chiffre à comparer à celui des fonctionnaires traitant de la régulation des marchés financiers, au sein de la commission européenne : ils sont 400, soit quatre lobbyistes pour un fonctionnaire ! Résultat, en 2010, sur 1700 amendements déposés concernant une directive sur les hedge funds, 900 ont été rédigé par des lobbyistes de l'industrie financière. 
Le secteur bancaire européen dépense chaque année plus de 120 millions d'euros pour des activités de lobbying, selon CEO. Soit 30 fois plus que les organisations non gouvernementales.
L'Obs, 02/2015, p. 72

Vetocratie...

Le système [institutionnel américain] souffre selon [Fukuyama] d'un double mal : ce qu'il appelle la "vetocratie", le blocage systématique de l'exécutif par des partis incapables de compromis  ; et la "repatrimonialisation" de l'Etat qui, sous des dehors démocratiques, serait gouverné au profit de quelques-uns, l'auteur en prend notamment pour preuve l'explosion du lobbying à Washington et le creusement des inégalités.
Books, 12/2014, p. 102.

Segmentation destructrice...

[...] Il semblait bien, à voir les faits, que les journalistes de centre-gauche ne fassent que répéter l'aveuglement des Troyens. Un tel aveuglement n'avait rien d'historiquement inédit : on aurait pu retrouver le même chez les intellectuels, politiciens et journalistes des années 1930, unanimement persuadés qu' ''Hitler finirait par revenir à la raison". Il est probablement impossible pour des gens ayant vécu et prospéré dans un système social donné, d'imaginer le point de vue de ceux qui, n'ayant jamais rien eu à attendre de ce système, envisagent sa destruction sans frayeur particulière.
Michel HOUELLEBECQ, Soumission, Flammarion, 2015, page 56.

Soumission fiction...

Le programme politique du président musulman imaginé par Michel Houellebecq...
[...] La conséquence la plus immédiate de son élection est que la délinquance avait baissé, et dans des proportions énormes : dans les quartiers les plus difficiles, elle avait carrément été divisé par dix. Un autre succès immédiat était le chômage, dont les courbes étaient en chute libre. C'était dû sans nul doute à la sortie massive des femmes du marché du travail, elle même liée à la revalorisation considérable des allocations familiales [...] [augmentation intégralement] compensée par la diminution drastique du budget de l'Education nationale [...]. Dans le nouveau système mis en place, l'obligation scolaire s'arrêtait à la fin du primaire [...]. Ensuite, la filière de l'artisanat était encouragée ; le financement de l'enseignement secondaire et supérieur devenait, quant à lui, entièrement privé. [...] En ce qui concerne l'enseignement, la générosité des pétromonarchies était depuis toujours sans limite. Page 199. 
Mohammed Ben Abbes [...] se déclara influencé par le distributivisme [...]. Son idée de base était la suppression de la séparation entre le capital et le travail. La forme normale de l'économie y était l'entreprise familiale ; lorsqu'il devenait nécessaire, pour certaines productions, de se réunir dans des entités plus vastes, tout devait être fait pour que les travailleurs soient actionnaires de leur entreprise, et coresponsables de sa gestion. Page 202. 
[...] La nouvelle fonction dont, Ben Abbes venait de s'en aviser, l'attribution à un niveau trop large "perturbait l'ordre convenable", n'était autre que la solidarité sociale. Quoi de plus beau, s'était-il ému dans son dernier discours, que la solidarité lorsqu'elle s'exerce dans le cadre chaleureux de la cellule familiale !... [...] Le nouveau projet de budget du gouvernement prévoyait sur trois ans une diminution de 85 % des dépenses sociales du pays. Page 210. 
[...] Les négociations avec l'Algérie et la Tunisie en vue de leur adhésion à l'Union européenne avançaient rapidement, et que ces deux pays devraient avant la fin de l'année prochaine rejoindre le Maroc au sein de l'Union ; des premiers contacts avaient été pris avec le Liban et l'Egypte. Page 211. 
Mais en fin de compte, ce qui convainc le héros du roman à accepter un poste d'enseignant, à se soumettre, on y revient toujours avec Michel Houellebec...
- [...]
- [...] Dans votre cas, je pense que vous pourriez avoir trois épouses sans grande difficulté, mais vous n'y êtes, bien entendu, nullement obligé. Page 292. 
[...] Une nouvelle chance s'offrirait à moi ; et ce serait la chance d'une deuxième vie, sans grand rapport avec la précédente. 
Je n'aurais rien à regretter. Fin.
Michel HOUELLEBECQ, Soumission, Flammarion, 2015. 

Copain banquier...

Les détracteurs de la "privatisation de la dette publique par les méchants banquiers", vantent les mérites de dispositions légales abolies depuis la fameuse "loi de 1973", et qui permettaient alors à la France d'emprunter à la Banque de France sans verser d'intérêts et donc sans s'infliger une charge de la dette, source de tous nos maux actuels et prétexte des pourfendeurs de l'Etat providence...

Qu'en est-il réellement ?
Mensonge n° 1 : il ne s'est strictement rien passé de nouveau en 1973 par rapport à 1936. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 227.
C'est vrai. Et tous ceux qui font leur choux gras de la loi 1973 sans en parler doivent justifier cette omission, qui leur permet, par exemple, de singulariser cette loi à grands renforts d'antisémitisme (via la banque Rothschild)...
Et pour cause : [la fameuse interdiction] a [en réalité] été introduite par la loi du 24 juillet 1936. L’article 13 de ladite loi précise en effet que « Tous les Effets de la dette flottante émis par le Trésor public et venant à échéance dans un délai de trois mois au maximum sont admis sans limitation au réescompte de l’Institut d’Émission, sauf au profit du Trésor public. ». Contrepoints.org
En langage courant...
Quand un acteur avait besoin de liquidités, il demandait à la Banque de France d’escompter des titres de créance : l’acteur échangeait une obligation contre des liquidités. Si par exemple, un acteur X possédait une obligation française qui serait remboursée cinq ans plus tard, celui-ci pouvait demander à la Banque de France de lui avancer cette somme en échange de la promesse de rembourser quand l’obligation arriverait à maturité. Très pratique lorsque l’on avait besoin de liquidités rapidement. 
Cet article [de juillet 1936] énonce une règle simple : le Trésor public ne peut pas présenter ses propres obligations à la Banque de France. Il doit donc chercher des liquidités ailleurs [...] Contrepoints.org
L'article en question sur ce pdf disponible sur le site de la Banque de France...
Mensonge n° 3 : l'Etat n'a jamais utilisé la Banque de France comme banquier pour financer à long terme ses déficits. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 228.
La preuve dans les fameux graphiques d'Olivier Berruyer...

En tant que banquier  d'un client qui n'a guère de trésorerie (au vu de ses déficits permanents), la Banque a toujours accordé de légers découverts à l'Etat, afin qu'il puisse payer les salaires le temps que les impôts rentrent. L'Etat a aussi emprunté des sommes plus importantes, mais dans des circonstances dramatiques : les deux guerres mondiales. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 227.
Instructif. Cependant, les pourfendeurs de la loi de 1973, ne pointent pas tant l'impossibilité de faire du déficit à gogo, que les conséquences du déficit à travers les prêts à intérêts rendus obligatoires, selon eux, par cette loi...

Voici les deux courbes qui illustrent le mieux leur propos...


Et les conclusions qu'ils en tirent...
"... La maîtrise privée de la création monétaire est un verrou diabolique qui interdit en profondeur le droit des peuples à disposer d'eux-même." Etienne Chouard, Préface à La Dette Publique, une affaire rentable. André-Jacques HOLBECQ, Editions Yves Michel, 2011, p. 12. 
"En abandonnant au secteur bancaire le droit de créer de la monnaie, l'Etat s'est privé en moyenne d'un pouvoir d'achat de annuel représentant environ 5,2 % du revenu national." Maurice Allais. La Dette Publique, une affaire rentable. André-Jacques HOLBECQ, Editions Yves Michel, 2011, p. 55. 
[Le service de la dette de l'Etat], c'est prélever sur notre travail et notre production plus de 120 millions d'euros par jour, [...] et le transférer à ceux qui sont déjà les plus riches, qui d'ailleurs peuvent ainsi nous le reprêter à nouveau contre intérêt...". André-Jacques HOLBECQ. La Dette Publique, une affaire rentable.  Editions Yves Michel, 2011, p. 67.
Etc, etc... Disons pour simplifier leur propos, qu'en empruntant gratis à la Banque de France, le déficit, à défaut d'être résorbé, aurait au moins été contenu...

Il faut cependant peut-être relativiser cette conclusion...
[...] Sur les 1800 milliards de dette actuelle, environ 1100 milliards sont dus uniquement à la charge d'intérêt de la dette (qui pour rappel est d'environ 50 milliards d'euros par an sur les 5 dernières années). 
[...] L'idée sous-jacente est de se dire que si la France n'avait pas payé d'intérêt sur sa dette, comme cela était techniquement possible avant 1973, alors la dette de la France ne serait "que" de 700 milliards d'euros ! Et indirectement donc, que les 1100 milliards d'intérêt versés par l'Etat depuis 1973 (donc par le contribuable) ont servi à enrichir "les banquiers".
Comme on peut le voir graphiquement, la dette actuelle en pourcentage du PIB se situe dans les pays développés (courbe orange) à peu près au même niveau qu'à la fin de la seconde guerre mondiale. Graphiquement, on note une hausse dans l'ensemble des pays du monde de la dette en pourcentage du PIB à partir des années 1975 / 1980. La situation est la même partout dans le monde, malgré le fait que certains pays aient adopté bien avant ou bien après 1973 une loi du même type que la loi Giscard-Pompidou française. Cela plaide donc en faveur de l'hypothèse du Captain' comme quoi cette fameuse loi française de 1973 n'est pas LA cause de l'endettement français. CaptainEconomics.fr
Sans oublier le supposé manque de compétences de nos politiques...
Alors oui, si l'Etat s'était endetté à 0 %, il n'y aurait pas de dette publique aujourd'hui, en théorie ; en pratique, gageons que cela aurait été un prétexte pour dépenser plus et générer quand même une dette publique élevée, par facilité et irresponsabilité. Olivier BERRUYERLes faits sont têtus, Les arènes, 2013, page 237.

Charlot...

Si la misère de nos pauvres est provoquée non par des causes naturelles, mais par nos institutions, grande est notre faute !
Charles DARWIN

Parigot tête de veau...

Tandis que tous les autres [Etats européens] sont le produit d'une seule communauté linguistique, et, souvent, d'une unité religieuse, celui de la France, cas unique en Europe, est le fruit de la victoire militaire d'un petit prince plus militarisé que d'autres [Philippe le Bel...]. 
Pour construire l'Etat français, nous avons détruit la culture bretonne, la culture occitane (au moins 500 000 morts), la culture alsacienne, la culture flamande [...] et nous avons, en gros, fait subir la même chose au petit morceau basque. La Corse, ça s'est fait dans des conditions telles et si tard que ça fait encore mal. 
[...] Il résulte de cette triste singularité une grande méfiance du terroir français envers Paris et le centralisme parisien qui se sont imposés par la force des armes. La conséquence est que depuis le début du XXe siècle, nous avons constamment eu, même du temps de l'Espagne franquiste, plus de policiers pour 10 000 habitants que n'importe quel Etat européen. Conséquence symétrique, l'Etat central, qu'il soit républicain, royaliste ou impérial, ressent une méfiance toute aussi grande à l'égard des collectivités locales qui bénéficient de beaucoup moins d'autonomie chez nous que n'importe où ailleurs.
Michel ROCARD, La politique telle qu'elle meurt de ne pas être.
Alain Juppé, Michel Rocard, débat conduit par Bernard Guetta. J'ai Lu. 2011. Page 60.

Remède...

L'économiste Milton Friedman [...] suggérait de faire face à la déflation en jetant de la monnaie d'un hélicoptère. 
[Mais], compte tenu, à la fois de leur surendettement, et de la faiblesse de la demande, les entreprises ne sont [...] pas tentées d'emprunter pour accroître leurs investissements, aussi bas que soient les taux d'intérêts qui leur sont proposés. [...] Quand aux consommateurs, ils préfèrent, eux aussi, se désendetter plutôt que de consommer davantage. La conjonction d'une abondance de liquidités et d'une faiblesse de la demande amène les détenteurs de capitaux à investir dans des placements improductifs (immobilier, titres spéculatifs) sans effet sur le raffermissement de l'appareil de production. 
Keynes proposait, lui, de payer des chômeurs pour creuser des trous et d'autres pour les combler. 
[Mais], d'une part, au sein de l'Union européenne, une politique de relance [...] buterait sur les contraintes institutionnelles [...], d'autre part, dans une économie ouverte, toute relance de la demande risque d'entraîner l'apparition, ou l'aggravation, du déficit commercial [...]. 
Une politique de relance doit donc être orientée vers un renforcement de l'appareil productif. L'Etat peut décider des investissements publics allant dans ce sens. Il peut aussi réduire sensiblement l'imposition des entreprises qui procéderaient elles-même à des investissements visant à renforcer leur productivité. 
[...] La politique de relance [...] devrait être entreprise au niveau européen. 
[...] La véritable mise en oeuvre d'un véritable mécanisme de rééquilibrage des balances courantes ouvrirait la voie à une politique coordonnée, les pays excédentaires étant invités à relancer leur économie et à tirer, ce faisant, la croissance de la zone euro. 
[...] Les pays [...] devraient accepter une règle d'équilibre de leur budget de fonctionnement [...] en échange de la prise en charge par un budget européen étoffé du financement d'investissements visant à muscler l'appareil de production des Etats membres. 
[...] Ce budget serait financé par des crédits à long terme et à faible taux émis par la Banque centrale européenne
[...] Compte tenu de l'importance qui serait ainsi impartie au budget européen, on imagine mal qu'il ne soit pas soumis à un contrôle politique, soit du parlement européen, soit d'un ministre des finances de l'UE, amorce d'un véritable gouvernement communautaire. 
[...] L'UE risque [...] de s'enfoncer durablement dans la crise parce que le remède, qui suppose un approfondissement de la construction européenne, est perçu aujourd'hui comme la source du mal et non le moyen de le combattre.
André GRJEBINE, Le Monde, Supplément Eco & Entreprise, 12/11/2013, p. 9.

Indécis...

[...] Le plus inquiétant, c'est même pas de sortir du nucléaire, parce que le nucléaire, [de fait], on en sort tout doucement parce qu'on n'a rien décidé.
[...] Les gouvernants ont décidé, en bon gouvernants actuels, de ne rien décider, c'est-à-dire de tout confier aux marchés. Alors qu'on sait très bien à quel point le marché est efficient pour, évidemment, baisser le prix de l'énergie qui n'a jamais cessé d'augmenter depuis que le marché, en particulier de l'électricité, a été libéralisé. On sait très bien que cette libéralisation a asséché les comptes d'EDF qui, plutôt que d'investir dans l'entretien des centrales nucléaires, a été incitée à acheter des centrales à droite à gauche, ce qui a plombé ses comptes. Et puis le marché du carbone, on sait à quel point il est efficace. Ça a rapporté des milliards aux fraudeurs [récupération frauduleuse de TVA], ça a coûté 1,5 milliards sans doute, à l'État français ; y'a toujours pas de procès d'ailleurs... 
[...] En tenant compte des 40 ans [durée de vie des réacteurs dont il est question], il y'aura [...] 22 réacteurs de 900 MWh chacun qui vont devoir fermer. 2020, c'est dans sept ans. 22 réacteurs de 900 MWh, ça fait 20 GWh en moins. On va les remplacer par quoi ? Ce qu'il y a de terrifiant dans le problème actuel, c'est que personne n'a décidé de quoi que ce soit. On est un pays qui en douze ans, entre 1979 et 1991 a fabriqué 45 réacteurs nucléaires. 80 % de notre capacité nucléaire a été érigée en douze ans aux frais du contribuable et aux frais de nos factures. Et on s'est endormi sur nos lauriers et aujourd'hui on est incapables de décider quoi que ce soit. La "nucléocratie", si j'ose dire, n'a même pas été dans sa logique qui aurait dû la pousser à continuer régulièrement à fabriquer des réacteurs. [...] On a fait un EPR, mais parce qu'on a perdu du savoir faire, on n'arrive pas à le faire. Y'a même pas de décisions pour remplacer concrètement ces 20 GWh par d'autres sources de production d'énergie. 
Frédéric DENHEZ, France Inter, CO2 mon amour, 25/05/2013.

Démocratiegynie...

Sous la surface du statut de la femme au cours de l'histoire : l'invention de la démocratie en Grèce antique...
[...] Dans une étude consacrée au mariage en tant qu'échange de dons dans la Grèce classique, Claudine Leduc observe [...] que dans les cités-États les plus conservatrices sur le plan social, telles que Sparte et Gortyne, les femmes pouvaient être citoyennes et posséder leur propre domaine ; en effet la citoyenneté y était fondée sur l'appartenance à une communauté de propriétaires terriens fermée aux étrangers. Tandis qu'à Athènes, socialement plus innovante et ouverte aux étrangers, la citoyenneté demeurait liée au foyer (dominé par l'homme), et les femmes passaient de la maison du père à celle du mari. Elles n'étaient pas traitées comme des biens, mais plutôt comme des enfants. Leduc remarque que "la femme apparaît comme la grande victime de l'invention de la démocratie".

Résistance...

Quelles sont les forces à l'oeuvre sous la surface du développement des sociétés humaines ?
[...] On peut tenter de dégager les causes profondes de la résistance que [des] sociétés opposent souvent au développement.
Ce sont d'abord la tendance de la plupart des sociétés dites primitives à préférer l'unité aux conflits internes [...]
Quand les peuples de l'intérieur de la Nouvelle-Guinée apprirent des missionnaires à jouer au football, ils adoptèrent ce jeu avec enthousiasme. Mais, au lieu de chercher la victoire d'un des deux camps, ils multipliaient les parties jusqu'à ce que les victoires et les défaites de chaque camp s'équilibrent. Le jeu s'achève non pas comme chez nous, quand il y a un vainqueur, mais quand on est assuré qu'il n'y aura pas de perdant. Page 84. 
[...] Presque toutes les sociétés dites primitives rejettent l'idée d'un vote pris à la majorité des voix. Elles tiennent la cohésion sociale et la bonne entente au sein du groupe pour préférables à toute innovation. La question litigieuse est donc renvoyée autant de fois qu'il est nécessaire pour qu'on parvienne à une décision unanime. Parfois, des combats simulés précèdent les délibérations. On vide ainsi de vieilles querelles et on passe seulement au vote lorsque le groupe, rafraîchi et rénové, a réalisé en son sein les conditions d'une indispensable unanimité. Page 84. 
En second lieu, le respect qu'elles manifestent envers les forces naturelles [...]. Le développement suppose que l'on fasse passer la culture avant la nature, et cette priorité donnée à la culture n'est presque jamais admise sous cette forme, sauf par les civilisations industrielles.
Si de misérables communautés indigènes d'Amérique du Nord et d'Australie ont longtemps refusé, refusent toujours dans certains cas, de céder des territoires moyennant des indemnités parfois énormes, c'est, au témoignage même des intéressés, parce qu'ils voient dans le sol ancestral une "mère". Page 86.
[...] Les Indiens Menomini de la région des Grands Lacs en Amérique du Nord, bien que parfaitement au courant des techniques agricoles de leurs voisins Iroquois, se refusaient à les appliquer à la production de riz sauvage, leur aliment de base, pourtant très propre à être cultivé, pour la raison qu'il leur était interdit de "blesser leur mère la terre". Page 86.
Enfin, leur répugnance à s'engager dans un devenir historique. [...] Les sociétés dites primitives, nous apparaissent telles, surtout, parce qu'elles sont conçues par leurs membres pour durer. Leur ouverture sur l'extérieur est très réduite, ce que nous appelons en français "l'esprit de clocher" les domine. En revanche, leur structure sociale interne a une trame plus serrée, un décor plus riche que celle des civilisations complexes. Aussi, des sociétés de très bas niveau technique et économique peuvent éprouver un sentiment de bien-être et de plénitude : chacune estime offrir à ses membres la seule vie qui mérite d'être vécue.

Amateurisme...

L'impact qu'ont eu les outils digitaux sur les révolutions du Proche-Orient est très complexe et multidimensionnel. Si ces plateformes ont été utilisées par les mouvements de protestation, elles ont également influé sur l'organisation de leur structure politique. Les révolutionnaires ont favorisé la décentralisation, l'absence de hiérarchie, etc. Mais ils ont payé cette fantaisie à un prix très élevé, tant cette décentralisation inspirée d'Internet s'est révélée faible face à l'autorité structurée et charismatique des Frères musulmans. [...] Dire que les réseaux sociaux et les blogs vont sauver la Chine et l'Iran est un non-sens.
Evgeny MOROZOV, Philosophie Magazine, 02/2013, p. 55.

Froussard...

[...] Barack Obama s'est rallié à la proposition de Mitt Romney de réduire le coût de l'assurance retraite publique. Comme l'indique Dean Baker, coprésident du CEPR à Washington, la Social Security est un système efficace, peu coûteux et très populaire. En réalité, note Baker, ce qui dysfonctionne aux États-Unis, ce sont les systèmes de retraite privés, qui gardent pour eux jusqu'à un tiers (!) des cotisations des adhérents, et qui versent des pensions aux montants aléatoires
[...] Pour Baker, c'est parce qu'Obama avait peur [...] de déplaire à la pensée unique de "Washington", qui considère les coupes dans les dépenses publiques comme des mesures "courageuses". [...] Peur d'affronter ceux qui n'ont pas besoin de la retraite publique pour leurs vieux jours.
Gilles RAVEAUD, Alternatives Economiques, 12/2012, p. 88.


Promotion Ubu roi. Mes 27 mois sur les bancs de l'ENA - Olivier Saby

Olivier Saby, diplômé de l'ENA, croque l'obsession de la notation, la médiocrité de l'enseignement et autres traditions de cooptation, à l'École Nationale d'Administration...

Les 10 phrases clefs qui font réfléchir...
  1. Pour tout élève de l'ENA [...] le classement de sortie est le sujet de conversation  par excellence. [...] Lors de l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, la suppression du classement avait été envisagée, provoquant une levée de boucliers chez certains anciens élèves, notamment ceux des grands corps, que briguent les mieux classés : la botte, composée du Conseil d'Etat, de l'Inspection générale des finances et de la Cour des comptes. Page 24.
  2. Alors que nous suivons depuis une heure trente un T.D. sur l'ouverture du capital de Gaz de France, nous apprenons de la bouche même de notre intervenant qu'il a découvert le sujet qu'il devait traiter en arrivant dans la salle et qu'il n'y connaît absolument rien... [...] Nouvelle erreur de casting, un expert de France Télévisions assénant un cours de réduction des coûts au ministère de l'Agriculture. Page 27 et 45.
  3. C'est là que le stagiaire de l'ENA est prié d'intervenir, en effectuant un audit qui aura le bon goût d'aboutir aux mêmes conclusions que l'ambassadeur. Page 75.
  4. Je demande quand même à mes collègues comment une situation locale aussi dégradée peut être tolérée par le Quai d'Orsay. "Il y a bien eu une mission d'inspection il y a quelques mois, m'explique l'un d'eux. Mais, tu comprends, les inspecteurs sont de la maison. Dans quelques années ils seront de nouveau en poste, et on pourrait se retrouver sous leurs ordres. Pour ne pas être catalogués balances, on ne dit trop rien..." Et le rapport d'inspection est dithyrambique. Page 76.
  5. Je suis [...] en terrain miné. Côté consulat, je suis l'espion de la chancellerie ; côté chancellerie, je suis le mignon de la consule. Page 82.
  6. "Vous savez Olivier, il faudrait une cellule psychologique du Quai d'Orsay dans cette ambassade. Nous sommes plus dans un asile d'aliénés ou une halte-garderie que dans une mission diplomatique..." Mince, le patron [l'ambassadeur] est au courant ! Page 114.
  7. Ma copie ne comporte aucune correction manuscrite, aucune indication qui m'aiderait à corriger mes erreurs et à m'améliorer en vue du prochain examen blanc [...]. Page 127.
  8. Ne pas oublier que l'homme qui me note à la fin de l'inspection sera peut-être amené à faire appel à moi lorsqu'il accédera à une préfecture ou à un cabinet ministériel. C'est le problème du circuit fermé. L'inspecteur sera préfet demain, chef de cabinet après-demain... Qui sait ? Ménager ses arrières et penser à autre chose lors d'un déjeuner, d'un cours ou d'un entretien auxquels il est de tradition d'assister, ne jamais faire obstacle aux règles qui ont fait les carrières de nos juges et pairs, se glisser dans le courant et se laisser entraîner... Page 192.
  9. [...] Les fonctionnaires [de l'Éducation nationale] que nous rencontrons s'engagent à nous informer dans les pus brefs délais de belles opportunités de carrière que nous pourrions y trouver. Ils nous proposent même de "construire" nos propres postes. Page 248.
  10. "Mais enfin, vous êtes trop bien classé pour aller à Montreuil. [...] Quand vous allez dire aux gens que vous êtes au tribunal de Montreuil, ils vont toujours penser que vous étiez mauvais.". Page 269.

République fictive...

A Mayotte, l'État dépense plus de 700 millions d'euros par an. Le Conseil général, plus de 200 millions. Cet élu a beau être vice-président du Conseil général, il dénonce une gabegie. Sur les 3 000 fonctionnaires, il y en aurait 2 000 de trop selon lui. Les postes sont doublés, parfois triplés
Alors que l'élu mène les journalistes au service communication... 
"Je pense pas que même le Premier ministre a un service de communication aussi grandiose que celui du Président du Conseil général... En tout cas, c'est la première fois de ma vie que je mets les pieds ici"...
[...] Sur les 15 personnes qui travaillent ici, nous n'en verrons que 4 cet après-midi là, à 15 h. 
Élu - [...] La prochaine fois, vous viendrez à 9 h du matin ! 
Journaliste - [...] On vous met la pression pour ne pas licencier les 2 000 salariés [supposément en trop] du Conseil général ? 
Élu - Non, personne ne nous a mis la pression. Les élus eux-même ne partagent pas le même discours dans cette affaire là., parce qu'il y a des élus qui sont concernés par ses embauches de complaisance, la plupart du temps.
France 2, Le Journal de 20 h, 22/01/2013. 

Oh oui, frappe-moi...

Je ne qualifierais pas forcément de démocratique un pays [l'Allemagne] qui pratique l’union nationale plus volontiers que l’alternance et où, grâce à une prédisposition anthropologique à la discipline, les sociaux-démocrates ont pu mener une politique de compression acceptée des salaires. L’Allemagne a mené une stratégie parfaitement égoïste d’adaptation au libre-échange, en délocalisant hors de la zone euro une partie de la fabrication de ses composants industriels, en pratiquant contre la France, l’Italie et l’Espagne la désinflation compétitive, puis en utilisant la zone euro comme un marché captif où elle a pu dégager ses excédents commerciaux. Cette stratégie commerciale est la poursuite d’une tradition autoritaire et inégalitaire par d’autres moyens.
Emmanuel TODD, Le Point, 13/12/2011.


La couleur du pouvoir...

Où l'on se console en rappelant, qu'évidemment, de tout temps, pouvoir et argent ont toujours été étroitement liés... 
[...] Rome, puis le monde romain, était dirigés par une élite de quelques milliers d'hommes, regroupés en deux ordres (en quelque sorte nobiliaires, mais pas vraiment héréditaires), le Sénat [...] et l'ordre des chevaliers. 
[Leurs membres] n'étaient pas automatiquement recrutés parmi les plus riches des citoyens romains. Mais les uns et les autres devaient posséder un patrimoine (de terres, de bétail, d'esclaves [...]) qui leur permette de tenir leur rang sans travailler [...]. 
[...] Au Ier siècle avant J.-C., ils avaient besoin de dépenser beaucoup d'argent pour être candidats aux élections, à cause des dons qu'il fallait faire aux électeurs, ou à certaines catégories d'entre eux. Certains dons étaient considérés comme légaux, d'autres non. Jean ANDREAU (directeur d'étudesà l'EHESS), p. 14.
[... En France sous la monarchie], la culture politique de l'absolutisme, combinée à la culture financière du secret [...] reste dominante. Tandis qu'en 1694, les Anglais parviennent à convertir un groupe de financiers en actionnaires d'une banque de dépôt, capable d'alimenter le Trésor royal et de publier annuellement des comptes, [en France], l'échec de l'écossais John Law, provoque le retour en grâce des financiers
[Ceux-ci pratiquent] de substantiels jeux de caisse [...] sur le dos de la monarchie [qui n'a pas su mettre en place de réforme comptable sérieuse]. 
[...] Il faut rappeler que ces financiers avaient partie liée, socialement, avec les privilèges, peu enclins à faire évoluer un système fisco-financier dont ils se portaient caution et qui leur était si profitableMarie-Laure LEGAY (Professeur d'histoire à l'université Lille III), p. 27.
[...] Chargés des impôts indirects dont le roi leur déléguait la gestion par bail tous les cinq ans, [les fermiers généraux] firent tous des fortunes considérables. Comme le principe même du bail était de donner au roi un revenu fixe, et de reporter le risque lié aux fluctuations de la consommation sur les fermiers, tous les bénéfices, en période faste, allaient aux seuls fermiers, sous réserve d'un réajustement du montant du bail [...] ou de ponction inopinée par l'État qui se produisait relativement souvent. [...Cependant] nulle malversation dans leur activité [ne fut] reconnue dans les décrets de réhabilitation prononcés après la Révolution [qui guillotina plusieurs fermiers généraux]. Mireille TOUZERY, p. 29.
[...] En 1800, l'ambition des hautes banques parisiennes et l'intérêt de l'État convergent pour créer la Banque de France. Elle est instituée par un décret de Napoléon Bonaparte qui appuie l'initiative des financiers. 
[...] Les Deux-Cents [familles (les 200 plus gros actionnaires de la Banque de France)] élisent les régents au Conseil général. 
[...] La passivité de [cette] assemblée générale correspond à sa composition, faite en majorité d'investisseurs passifs (rentiers, propriétaires, ou retirés des affaires). Par contre, c'est du groupe minoritaire des entrepreneurs actifs que sont issus les régents. [...] Les régents sont indéfiniment rééligibles : ainsi les Vernes et les Mallets occupent le même siège de régent de 1800 à 1936 ! Yves LECLERC (Economiste, auteur), p. 37.
[...] De la monarchie de Juillet, née dans les hôtels cossus de deux régents de la Banque de France, Jacques Laffitte dirigera bientôt le gouvernement, avant d'être remplacé par Casimir Perier. Avec eux, c'est la haute banque parisienne qui triomphe : pour la première fois dans l'histoire de France, des financiers conduisent officiellement la politique du gouvernement. Charles GIOL, p. 39.
[...] Près d'un quart des députés du corps législatif en 1863 appartient aux milieux d'affaires : un record. A l'instar d'Eugène Schneider au Creusot, modèle de patron paternaliste et politique, les Wendel, Dietrich, Gros-Roman, Koechlin, Peugeot, Chagot, Boigues, etc. font vivre le pays, mais l'administrent également, relayant les autorités constituées, et pourvoient à ses besoins en logements, en églises, en écoles et en institutions protectrices. Nicolas STOSKOPF (professeur d'histoire), p. 42.
[...] La IIIe république a connu un enchaînement de scandales politico-financiers des années 1880 aux années 1930. [...] On trouve de nombreuses affaires similaires durant la même période dans les pays voisins. A l'échelle européenne, la mauvaise réputation de la IIIe République ne tient pas vraiment à des pratiques frauduleuses de pouvoir finalement assez répandues, mais bien davantage à la notoriété internationale de certaines affaires, qui ont symbolisées les nouveaux rapports déviants entre pouvoir et argent
[...] Le personnel politique provient pour partie [de nouvelles couches sociales]. [...] Chez plusieurs protagonistes de ces scandales, perçus comme des parvenus dans les affaires, une ascension sociale rapide peut attirer le soupçon [...]. [...] Les élites [d'origines diverses (entrepreneurs, financiers, ingénieurs...)] se fréquentent pourtant dans les salons, les salles de rédaction des journaux, au théâtre ou aux courses. Les sociabilités communes favorisent les services rendus et les petites affaires entre membres de réseaux informels, unis par des intérêts, des amitiés personnelles et des affinités politiques. 
[...] Le scandale des décorations qui touche en 1887 le président de la République Jules Grévy et son gendre Daniel Wilson, met en cause les principes d'égalité et d'émulation dans l'attribution des distinctions. 
[...] Dès les années 1880, l'imbrication des élites économiques et politiques assure stabilité et enracinement à la République. Mais cela rend difficile le partage entre intérêts privés et bien publics, autour des pratiques de favoritisme dans l'attribution de concessions, ou dans le soutient apporté par l'État à des entrepreneurs aux pratiques financières douteuses. C'est en achetant massivement journaux et parlementaires que la Compagnie de Panama obtient, en dépit des informations sur sa situation financière catastrophique, l'autorisation d'émettre des obligations à lots, procédure réservée jusqu'alors aux communes et au Crédit foncier. 
[...] La dénonciation de la corruption de la République, sert [surtout] de véhicule à des idéologies en plein essor, surtout l'antisémitismeFrédéric MONIER (spécialiste de l'histoire politique de la IIIe république), p. 50.
Le Nouvel Observateur, Hors-série, Le pouvoir et l'argent, 10-11/2012.

Falaise militaire...

Avec 4,8 %du PIB, le budget militaire des États-Unis est, proportionnellement, à peu près trois fois supérieur à celui des autres pays développés, et on peut aisément soutenir que le complexe militaro-industrialo-parlementaire a ruiné l'Amérique.
[Dans] un rapport rédigé en 1965 par l'industriel britannique Donald Stokes [qui avait conseillé le ministère de la Défense dans le domaine des contrats d'armement] : "Bon nombre de ventes d'armes ont été réalisées non parce que quelqu'un souhaitait s'en procurer, mais à cause de la commission qui serait verser en cours de négociation." [...] Les fournisseurs du département américain de la Défense comptent avant tout sur les gigantesques besoins du Pentagone, l'électoralisme et la réticence des parlementaires à contrôler vraiment les processus d'approvisionnement. Les excès, comme ce marteau à 7 dollars, facturé 435 dollars..., ne cessent de transparaître sur la place publique, mais les enquêtes sur les pratiques illégales se traduisent pour les firmes impliquées par des amendes équivalent à une petite tape sur la main. Et rien ne change : les guerres d'Irak et d'Afghanistan ont été l'occasion de folles emplettes insuffisamment contrôlées. La demande de 33 milliards de dollars supplémentaires, faite en 2007 au titre de l'Iraq Supplementary Bill, fut justifiée par cinq pages de texte seulement. Linda Bilmes, de Harvard, eut alors ce commentaire laconique : "A mon humble avis, en tant que professeur de finances publiques, [...] ce n'est pas la meilleure façon de fonctionner pour le système budgétaire américain."
Alex DE WAAL (The Times Literary Supplement, 2012), Books, 01/2013, p. 50.

Freakstory...

On doit à Robert Fogel [prix Nobel d'économie 1993] deux études importantes. L'une sur le rôle des chemins de fer dans la croissance économique des États-Unis au XIXe siècle, l'autre sur la rentabilité de l'esclavage. Sur la base d'une quantité colossale de documentation chiffrée, Fogel calcule ce qu'aurait été la croissance américaine si le chemin de fer n'avait pas existé. Résultat : à peine une différence de 5 %. "Aucun innovation, considérée isolément, n'a été vitale pour la croissance que XIXe siècle", dit-il. 
[...] S'agissant de l'esclavage, Fogel s'attaque à une autre idée reçue : l'esclavage a disparu parce que c'était un système économique inefficace. En utilisant les mêmes méthodes économétriques [la cliométrie], il réussit à prouver, chiffres à l'appui, exactement le contraire. L'esclavage était un système efficace et rentable... C'est donc la politique qui, cette fois-ci, a dicté sa loi. [...]

Lobbying déficitaire...

[...] Une baisse du prix comparable à celle des Pays-bas, suffirait à elle seule à éponger une partie des milliards de déficit de la Sécurité sociale.
Philippe EVENFrance 2Un oeil sur la planète26/03/2012.
De nombreux médicaments de consommation courante sont 2 à 5 fois plus chers qu'en Italie. S'aligner sur ces tarifs permettrait une économie de 10 milliards, soit de mettre fin au déficit de la branche assurance maladie de la Sécurité Sociale...
Serge RADER, France 2Un oeil sur la planète26/03/2012.