[...] Depuis au moins deux siècle, les linguistes [...
ont] montré que les
langues actuellement parlées sur Terre (environ 5 000) sont toutes les
descendantes d'une seule
langue ancestrale.
Page 13.
[... Pourtant] la plupart des linguistes (en fait, pratiquement tous) n'ont pas conscience de l'existence d'une telle preuve dans la littérature linguistique. En effet, la plupart des détenteurs d'un doctorat en linguistique croient non seulement qu'elle n'existe pas, mais surtout qu'elle ne peut pas exister, pour des raisons imaginaires [...]. Page 14.
[...] Les langues n'empruntent que certains types de mots. Le cas le plus fréquent est celui où le nom d'une chose est emprunté en même temps que la chose elle-même. En revanche, des mots du vocabulaire de base comme "je, moi", "tu, toi", "deux", "qui ?", "dent", "coeur", "oeil", "langue", "non", "eau" et "mort" sont rarement empruntés, et même jamais empruntés dans un grand nombre de langues couvrant des zones géographiques étendues. [...] Quand nous trouvons des mots de cette sorte qui se ressemblent dans une vaste zone géographique, l'explication la plus vraisemblable est que ces ressemblances dérivent d'une ancienne migration de peuples. Page 32.
L'auteur propose de nombreux tableaux de mots issus de différentes langues qu'il propose au lecteur de classer par familles...
[...] Nous avons comparé des langues de toute la planète [...] et partout nous avons pu les regrouper en familles évidentes, qui sont toutes reconnues comme valides. Nous avons ensuite appliqué ces mêmes techniques à ces familles [...] et là encore, nous sommes parvenus à une classification convaincante, comprenant deux grands groupes et deux familles isolées. Et pourtant, la science des experts dénie tout lien entre aucune de ces familles. Comment est-ce possible ? Page 116.
[...] Les experts ne savent que ce qu'ils ont appris à l'école. Page 118.
[...] Il me semble que l'explication réside pour une large part dans l'ethnocentrisme, l'eurocentrisme, en l'occurrence, des savants [du XIXe siècle, qui] eurent l'espoir d'être [...] tout aussi uniques que [la] merveilleuse famille [de langue à laquelle ils appartenaient, l'indo-européen]? Page 120.
[...] Mais comment les indo-européanistes ont-ils pu perpétuer cette mythologie pendant tout notre siècle ? Je crois sur ce point qu'ils ont bénéficié du changement d'optique affectant l'ensemble de la
linguistique, qui est passée d'un point de vue
historique à un point de vue
structural. [...] Aucun des
manuels [
de linguistique] ne dit un mot de la façon dont on découvre des familles de langues : la
classification, fondement de la linguistique historique, n'est purement et simplement pas abordée.
Page 122.
[...] Ces préjugés sont aujourd'hui toujours bien vivants, mais [...] ils semblent perdre de plus en plus de leur crédit. Des faits extérieurs à la linguistique [archéologie, génétique des populations], et les données même de la linguistique comparée, mises sous le boisseau pendant le dernier siècle, mènent les chercheurs à une vision de la préhistoire humaine bien plus complète que ce que nous osions espérer auparavant. Page 123.
[...] Si un
biologiste s'avisait d'exiger une reconstruction complète du proto-mammifère, avec une explication complète de comment cette créature a évolué en chaque espèce de
mammifère connue, avant d'admettre le fait que les êtres humains sont apparentés aux chats et aux rats, ses collègues croiraient à une plaisanterie. C'est pourtant une
absurdité équivalente que les indo-européanistes enseignent dans les universités depuis si longtemps que la plupart des linguistes ne sont même pas conscients de sa nature mythique.
Page 194.
[Le comble est que] William Jones [a découvert] la famille indo-européenne sans avoir d'abord reconstruit le proto-celtique, ni le proto-germanique, ni le proto rien du tout. William Jones a simplement vu que ces langues partageaient certaines ressemblances qui les distinguaient des autres langues. Page 203.
[...] On attend aujourd'hui d'un spécialiste qu'il sache tout à propos de la famille qu'il étudie [...] Cette vision compartimentée de la connaissance a abouti a une situation dans laquelle [...] les spécialistes sont incapables de se rendre compte de l'existence des structures communes, même les mieux représentées, simplement parce qu'aucun n'est au courant de ce qui existe hors de son étroite approche. Page 202.
Merritt Ruhlen, L'origine des langues, Folio, 2007.