Sous la surface de certaines différences anatomiques et cognitives entre hommes et femmes, transparaît, selon Paul Seabright, les pratiques sexuelles de nos ancêtres et par là même, la place de la femme dans ces sociétés primitives...
[L'incapacité des spécialistes] à constater des différences fondamentales [dans les aptitudes cognitives entre hommes et femmes], nous révèle quelque-chose de très significatif sur les conditions dans lesquelles notre espèce évolua.
[...] Les tissus musculaires étant coûteux à produire et à entretenir, la sélection naturelle en a davantage pourvu les mâles qui en avaient besoin pour vivre à l'époque des chasseurs-cueilleurs. Les tissus cérébraux, eux, sont encore plus coûteux à produire et à entretenir que les muscles mais la sélection naturelle les a néanmoins également répartis entre les hommes et les femmes.
[...] L'homme et la femme développèrent tous deux des cerveaux sophistiqués pour affronter des défis tout aussi complexes durant presque toute l'évolution humaine. La subordination et la dépendance qui ont largement caractérisé la condition féminine à des époques relativement récentes ne peut donc avoir été une constante depuis notre divergence avec les chimpanzés et les bonobos.
Un deuxième indice anatomique, la taille des testicules, laisse entendre que dans la plupart des sociétés de chasseurs-cueilleurs, les femmes étaient beaucoup plus autonomes qu'elles ne le furent plus tard après l'adoption de l'agriculture. Les testicules des hommes sont en effet d'une taille intermédiaire entre ceux des gorilles et des chimpanzés...
[...] Les gorilles vivent dans des harems dominés par un seul mâle. C'est d'ailleurs parce qu'il ne peut y avoir qu'un vainqueur et qu'il faut sérieusement se battre que les gorilles mâles sont beaucoup plus grands que les femelles. Le mode de vie des chimpanzés et des bonobos, notre plus proche parentèle, est, lui, très différent. Les femelles de ces deux espèces vivent en petits groupes et s'accouplent de manière débridée avec quantité de mâles. Les mâles de ces espèces sont donc relativement plus petits que les gorilles mâles puisqu'ils n'ont pas à rivaliser. Pour être plus précis, les mâles chimpanzés et bonobos sont plus petits à tout point de vue, sauf en ce qui concerne les testicules qu'ils ont nettement plus gros. [...] Faute de monopoliser l'accès sexuel aux femelles, l'intérêt reproductif de ces mâles est d'avoir des spermatozoïdes aussi abondants que possible afin d'augmenter leur chance de féconder eux-même les femelles.
... [cela] laisse à penser qu'il était assez courant pour les femmes d'avoir des rapports sexuels avec plus d'un homme durant leur cycle oestral. Pas autant que les femelles de chimpanzés. Elles le faisaient toutefois suffisamment souvent pour que les hommes s'adaptent à la compétition spermatique, comme le font les chimpanzés mâles. Cette conclusion suggère que les femmes choisissaient assez fréquemment leurs partenaires.
Outre la taille des testicules, celle du pénis humain est une exception encore plus frappante parmi les grands singes. Les hommes ont un pénis presque deux fois plus grand que les chimpanzés et quatre à cinq fois plus grand que les gorilles. Ils produisent également un plus grand volume séminal par éjaculat [...]. Nous ignorons si ce fait à pour origine la compétition spermatique, un pénis plus long offre un avantage en déposant les spermatozoïdes plus près de l'utérus, ou s'explique par la plus grande stimulation qu'un long pénis peut fournir et pour lequel les femmes pourraient directement avoir eu une préférence.
[...] La réduction de l'asymétrie de taille entre les hommes et les femmes depuis les premières espèces d'australopithèques semble indiquer que, dès les temps les plus anciens, la force comptait moins que la persuasion dans leurs relations.
[...] Outre les nombreux éléments scientifiques tendant à le confirmer, beaucoup d'explorateurs, de missionnaires et d'anthropologues confortent ce point de vue, ayant rapporté dans leurs récits quantité d'histoires de rituels orgiaques, d'échanges enthousiastes de partenaires et de sexualité ouverte non entravée par la culpabilité ou la honte.
En conclusion...[...] On peut aussi mentionner l'aptitude des femmes à l'orgasme retardé et multiple, de même que son caractère fréquemment bruyant, ce qui suggère que la sélection ne favorisait pas la discrétion.
[...] La proportion d'accouplements multiples pendant la préhistoire reste incertaine. Nous ignorons également jusqu'à quel point les femmes contrôlaient "librement" leur propre vie sexuelle. Ce qui nous intéresse ici, c'est que nos ancêtres femmes jouissaient presque assurément, avant l'arrivée de l'agriculture, d'un plus grand pouvoir de négociation avec les hommes.
Paul SEABRIGHT, Sexonomics, Alma, 2012, p. 128.
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