Je te tiens, tu me tiens...

[...] On oublie vite que si les sociétés nationales et la dette publique sont en grande partie détenues par le reste du monde, on détient des actifs équivalents à l'étranger au travers de contrats d'assurance vie et de multiples produits financiers. [...] Les actifs financiers détenus en France par le reste du monde représentent 310 % du revenu national en 2010, et les actifs financiers détenus par les résidents français dans le reste du monde représentent 300 % du revenu national, d'où une position négative de - 10 % [- 20 % aux Etats-Unis].
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 220.

Après les banksters, les bankrioleurs...

Si l'on avait la même politique du logement qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas, quelqu'un qui vit dans 60 m² verrait son loyer mensuel baisser de 250 € [en quelques années]. Pourquoi on ne le fait pas : parce que certains banquiers préfèrent que le fond de réserve des retraites soit mis sur les marchés financiers plutôt que d'être mis sur le logement (contrairement à ce qui a été fait aux Pays-Bas).
Pierre LARROUTUROU, France Inter, 3D le journal, 15/04/2012.
Les Berlinois paient des loyers quatre fois inférieurs à ceux des Parisiens.
Manuel DOMERGUE, Alternatives Economiques, 05/2012, p. 17.

Pierre Larrouturou parle de politique du logement en Allemagne, mais selon Thomas Piketty, les bas loyers pourraient avoir une autre explication...
[...] Les fortes hausses de prix qui ont eu lieu partout ailleurs au cours des années 1990-2000 ont été bridées outre-Rhin par l'unification allemande, qui a conduit à mettre sur le marché un grand nombre de logements à bas prix. Pour justifier un possible écart à long terme, il faudrait toutefois des facteurs plus durables, par exemple une plus forte régulation des loyers outre-Rhin.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 220. 

Des loyers moins chers peuvent avoir toutes sortes de répercussions...

Social-capitalisme...

La particularité de la trajectoire française est qu'après avoir connu des heures fastes dans les années 1950-1970, la propriété publique est retombée à des étiages très faibles à partir des années 1980-1990, alors même que les patrimoines privés, immobiliers et financiers, atteignaient des niveaux encore plus élevés qu'au Royaume-Uni : près de six années de revenu national au début des années 2010, soit vingt fois plus que le patrimoine public. Après avoir été le pays du capitalisme d'Etat dans les années 1950, la France est devenu la Terre promise du nouveau capitalisme patrimonial privé du XXIe siècle.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 220. 

Trente perdantes...

Des années 1950 aux années 1970, les pays anglo-saxons ont été rapidement rattrapés par les pays qui avaient perdu la guerre. A la fin des années 1970, les couvertures de magazine se multiplient aux Etats-Unis pour dénoncer le déclin américain et les succès des industries allemandes et japonaises. Au Royaume-Uni, le PIB par habitant tombe au-dessous des niveaux de l'Allemagne, de la France et du Japon, voire de l'Italie. Il n'est pas interdit de penser que ce sentiment de rattrapage, voire de dépassement, dans le cas britannique, a joué un rôle majeur dans l'émergence de la "révolution conservatrice". Thatcher au Royaume-Uni, puis Reagan aux Etats-Unis promettent de remettre en cause ce Welfare State qui a ramolli les entrepreneurs anglo-saxons, qui permettrait au Royaume-uni et aux Etats-Unis de reprendre le dessus.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 158.

Illusion croissante...

[...] Nous continuons dans une large mesure d'être imprégnés de l'idée selon laquelle la croissance se doit d'être d'au moins 3 % ou 4 % par an. Or ceci est une illusion au regard de l'histoire, comme de la logique. 
[...] Il n'existe aucun exemple dans l'histoire d'un pays se trouvant à la frontière technologique mondiale et dont la croissance de la production par habitant soit durablement supérieure à 1,5 %. 
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 158.

Trip...

On fit comme toujours un voyage au loin de ce qui n'était qu'un voyage au fond de soi.
Victor SEGALEN.

Privatisation de PIB...

Si un système d'assurance santé privé coûte plus cher qu'un système public, sans que la qualité des soins soit véritablement supérieure, comme le laisse à penser la comparaison entre Etats-Unis et Europe, alors le PIB sera artificiellement surévalué dans les pays reposant davantage sur un système privé.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 155.

Des bébés contre les inégalités...

Toute autres choses égales par ailleurs, une croissance démographique forte tend [...] à avoir un rôle égalisateur, car elle diminue l'importance des patrimoines issus du passé, et donc de l'héritage : chaque génération doit en quelque sorte se construire elle-même.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 141.

Détournement...

[...] 20 % du capital africain est actuellement possédé par des propriétaires étrangers. [...] Compte tenu du fait que certains éléments de patrimoine (par exemple l'immobilier d'habitation, ou le capital agricole) ne sont qu'assez peu possédés par les investisseurs étrangers, cela signifie que la part du capital domestique détenu par le reste du monde peut dépasser 40 % - 50 % dans l'industrie manufacturière, voire davantage dans certains secteurs. Même si les balances officielles ont de nombreuses imperfections, [...] il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'une réalité importante de l'Afrique actuelle. Page 118. 
Il n'est pas interdit de penser que [...l'] instabilité [politique chronique dans les pays africains notamment] s'explique en partie par la raison suivante : quand un pays est pour une large part possédé par des propriétaires étrangers, la demande sociale d'expropriation est récurrent et presque irrépressible. D'autres acteurs de la scène politique répondent que seule la protection inconditionnelle des droits de propriété initiaux permet l'investissement et le développement. Le pays se retrouve ainsi pris dans une interminable alternance de gouvernements révolutionnaires [...] et de gouvernements protégeant les propriétaires en place et préparant la révolution ou le coup d'Etat suivant. Page 121.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013.

Grand gâteau...

Au niveau mondial, la population avoisine les 7 milliards d'habitants en 2012, et le PIB dépasse légèrement les 70 000 milliards d'euros. [...] Si l'on retire 10 % au titre de la dépréciation du capital et si l'on divise par douze, [... on constate que] si la production mondiale et les revenus qui en sont issus étaient répartis de façon parfaitement égalitaire, alors chaque habitant de la planète disposerait d'un revenu de 760 euros par mois.
Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 108.

De la constance du conservatisme...

[...] L'impôt progressif sur le revenu global [...] est créé un peu partout autour de la Première Guerre mondiale (1909 au Royaume-Uni, 1913 aux Etats-Unis, 1914 en France [...]). Thomas PIKETTYLe capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 19.

Dès le XVIIIe siècle, il y eut en Angleterre une initiative que l’on peut considérer comme équivalente, pour l’époque, à l’actuel RMI. Il s’agit du Speenhamland Actadopté en 1795 par les juges du Berkshire. Alors que la loi sur les enclosures répartit les terres agricoles entre des propriétaires exclusifs, les journaliers paysans et les ouvriers ne peuvent plus exploiter les terrains communaux pour s’assurer un complément de subsistance, ce qui se traduit par un développement de la pauvreté. Les juges de Speenhamland décident alors de leur allouer un complément de ressources afin de leur garantir un minimum vital. Wikipédia.

Les organisations ouvrières et les corporations de métier sont interdites par la Loi Le Chapelier promulguée le 14 juin 1791, les syndicats ouvriers ne sont légalisés en France qu'après la Loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884.Wikipédia
Trade unions were finally legalised in 1871, after a Royal Commission on Trade Unions in 1867 agreed that the establishment of the organisations was to the advantage of both employers and employees.Wikipédia

Droit de vote des femmes : France 1944, Grande-Bretagne 1928, Etats-Unis et Allemagne 1919, etc... Wikipédia.

Abolition (définitive) de l'esclavage : France 1848, Grande-Bretagne 1838, Etat Danois 1792... Wikipédia.

Mariage homosexuel : France 2013, Pays-Bas 2001, Belgique 2003, Espagne 2005... Wikipédia

Plus y'a de fous...

L'Hexagone voit sa population progresser à un rythme soutenu tout au long du XVIIIe siècle [...]. Tout laisse à penser que ce dynamisme démographique, inconnu au cours des siècles précédents, a effectivement contribué à la stagnation des salaires agricoles et à la progression de la rente foncière dans les décennies menant à la déflagration de 1789.
Thomas PIKETTY, Le capital au XXIe siècle, Seuil, 2013, page 19.

Parigot tête de veau...

Tandis que tous les autres [Etats européens] sont le produit d'une seule communauté linguistique, et, souvent, d'une unité religieuse, celui de la France, cas unique en Europe, est le fruit de la victoire militaire d'un petit prince plus militarisé que d'autres [Philippe le Bel...]. 
Pour construire l'Etat français, nous avons détruit la culture bretonne, la culture occitane (au moins 500 000 morts), la culture alsacienne, la culture flamande [...] et nous avons, en gros, fait subir la même chose au petit morceau basque. La Corse, ça s'est fait dans des conditions telles et si tard que ça fait encore mal. 
[...] Il résulte de cette triste singularité une grande méfiance du terroir français envers Paris et le centralisme parisien qui se sont imposés par la force des armes. La conséquence est que depuis le début du XXe siècle, nous avons constamment eu, même du temps de l'Espagne franquiste, plus de policiers pour 10 000 habitants que n'importe quel Etat européen. Conséquence symétrique, l'Etat central, qu'il soit républicain, royaliste ou impérial, ressent une méfiance toute aussi grande à l'égard des collectivités locales qui bénéficient de beaucoup moins d'autonomie chez nous que n'importe où ailleurs.
Michel ROCARD, La politique telle qu'elle meurt de ne pas être.
Alain Juppé, Michel Rocard, débat conduit par Bernard Guetta. J'ai Lu. 2011. Page 60.

Création, destruction...

[...] Les corrections boursières – voire leurs effondrements – ne représentent pas une anomalie ou une tare congénitale des marchés : elles font partie intégrante de leur ADN. [...] C’est cette volatilité des bourses et ce sont ses décrochages plus ou moins violents mais épisodiques, qui permettent aux marchés boursiers de procurer une rentabilité supérieure à celle du livret d’épargne. 
[...] Une bourse qui procurerait un rendement stable et régulier – mettons de 7% l’an – et où la volatilité serait inexistante, drainerait des quantités phénoménales de capitaux qui, du coup, sur valoriseraient les actions qui, devenant trop chères, n’offriraient dès lors plus cette rentabilité de 7%… Et pour cause, puisque nul n’aurait plus intérêt à conserver un livret d’épargne, ni des espèces dans un contexte où les bourses autoriseraient un bénéfice plus élevé et garanti. Une telle éventualité verrait en effet la totalité du spectre des investissements s’agglutiner sur les marchés boursiers et propulser ses valorisations…tant et si bien que sa rentabilité finirait par s’effondrer. 
[...] C’est [...] ce que Minsky nous expliquait lorsqu’il prétendait que la stabilité était elle-même source d’instabilité, car les marchés finissent toujours par s’effondrer, sans exception. Mieux : l’absence de crack boursier porte en elle les germes du futur crack.
Michel SANTI, GestionSuisse.com.

35 heures de stress...

On a oublié ça mais, hors périodes de crise, on a eu le plein emploi de 1840 à 1972, tout du long, parce que la durée du travail avait été réduite de 60 % [4 000 heures par an par ouvrier dans les années 1830 à une fourchette de 1350 à 1550 heures dans la plupart des pays développés aujourd'hui]. Michel ROCARD
Il n'y a pas eu de réduction du taux de chômage en France depuis la mise en oeuvre des 35 heures. [...] Il n'y a pas de corrélation entre la diminution du temps de travail et la diminution du chômage. Je constate deuxièmement, que la baisse du nombre d'heures n'a pas été un facteur de mieux-être au travail car, dans un monde de compétition acharnée, comment a-t-on compensé la baisse de durée du travail ? [...] Par une productivité accrue, par un blocage des salaires et donc par une aggravation du stress au travail. [De plus, cette tendance de la baisse du temps de travail] diffuse dans l'imaginaire collectif, l'idée qu'on va pouvoir  aller vers une sorte d'oisiveté généralisée tout en continuant à bénéficier du même niveau de vie. Alain JUPPE.
La politique telle qu'elle meurt de ne pas être.
Alain Juppé, Michel Rocard, débat conduit par Bernard Guetta. J'ai Lu. 2011. Pages 78-84.

Qui sème le vent...

[...] Au début des années 1980, où priorité a été si bien donnée aux actionnaires, que la part de la masse salariale dans les PIB des Etats-Unis, de l'Allemagne ou de la France est passée d'un peu plus de 70 % à moins de 60 %. 
Les actionnaires se vengent d'un après-guerre où leur argent, il est vrai, leur rapportait peu puisqu'ils avaient été victimes des trente glorieuses mais le bâton a été tellement tordu dans l'autre sens que l'insuffisance de croissance du pouvoir d'achat se traduit par l'insuffisance de croissance de la consommation et de croissance tout court. La cupidité et le court-termisme des détenteurs de capitaux se retournent contre eux après avoir frappé les salariés. La fascination de l'argent nous a maintenant tous affaibli, salariés, Etats, entreprises et par voie de conséquence, actionnaires eux-mêmes car dès lors que la croissance est anémique, leur retour sur investissement diminue.
Michel ROCARD, La politique telle qu'elle meurt de ne pas être.
Alain Juppé, Michel Rocard, débat conduit par Bernard Guetta. J'ai Lu. 2011. Page 60.

Du beur dans les chaînes...

[...] Je ne pardonne pas à Georges Pompidou [d'avoir créé le problème de l'intégration des étrangers] en ouvrant les vannes de l'immigration sans se soucier ni de l'organiser, ni d'intégrer cette main d'oeuvre [...] que la France faisait venir pour les besoins de ses industries automobile et sidérurgique qui ont été ainsi dispensées des investissement de mécanisation qu'elles auraient dû faire pour soutenir la concurrence. On a fait venir 3 millions et demi de gens d'un coup, sans s'occuper de les loger, de les alphabétiser, de leur apprendre le français, et nous en payons le prix.
Michel ROCARD, La politique telle qu'elle meurt de ne pas être.
Alain Juppé, Michel Rocard, débat conduit par Bernard Guetta. J'ai Lu. 2011. Page 50.