Où Frans De Waal nous explique pourquoi l'homme était empathique et coopératif avant la civilisation...
Il y a trente ans, tout le monde croyait à la fable du "vernis de civilisation" : nous autres humains serions égoïstes et violents. La morale serait apparue dans un second temps, au sein de la civilisation, pour contrer nos instincts animaux. Elle serait le fruit d'un développement culturel et religieux. [...] Or, c'est le christianisme qui nous a inculqué une vision si noire de l'animalité ! Comme l'ont montré nombre de découvertes en neurosciences ou en primatologie, l'espèce humaine est également naturellement douée pour l'empathie et la coopération. Nous avons découvert qu'il existait des pulsions altruistes involontaires.
[...] Qui fut le premier de la morale ou de la culture ? Je ne saurais le dire. [...] Sous l'influence de Lévi-Strauss, les anthropologues ont longtemps estimé que la civilisation s'était construite à partir du tabou de l'inceste. [...] Eviter les croisements : beaucoup d'espèces le font sans avoir besoin du mot d'inceste, ni d'un tabou culturel. La philosophie occidentale a adopté une vision descendante de la morale en en faisant un produit de la raison cognitive. A mon sens, c'est l'inverse qui est vrai. Nous interagissons et éprouvons de ce fait des émotions : de là naît la posture morale.
[...] Par exemple, si l'on place des gens dans un scanner et qu'on leur demande de résoudre des dilemmes moraux, ils activent d'anciens centres émotionnels [...]. La décision morale puise à une source cérébrale vieille de plusieurs millions d'années.
Frans DE WAAL, Philosophie magazine, Les grands singes ont le sens de l'équité, 06/2012, p.60.
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