[...] L'anthropologue ne propose pas à ses contemporains d'adopter les idées et les coutumes de telle ou telle population exotique. Notre contribution est beaucoup plus modeste, et elle s'exerce dans deux directions.
D'abord, l'anthropologie révèle que ce que nous considérons comme "naturel", fondé sur l'ordre des choses, se réduit à des contraintes et à des habitudes mentales propres à notre culture. Elle nous aide donc à nous débarrasser de nos oeillères, à comprendre comment et pourquoi d'autres sociétés peuvent tenir pour simples et allant de soi des usages qui, à nous, paraissent inconcevables ou même scandaleux.
En second lieu, les faits que nous recueillons représentent une expérience humaine très vaste puisqu'ils proviennent de sociétés qui se sont succédé au cours des siècles, parfois de millénaires, et qui se répartissent sur toute l'étendue de la terre habitée. Nous aidons ainsi à dégager ce qu'on peut considérer comme des "universaux" de la nature humaine, et nous pouvons suggérer dans quels cadres se développeront des évolutions encore incertaines, mais qu'on aurait tort de dénoncer par avance comme des déviations on des perversions.
Claude LEVI-STRAUSS, L'anthropologie face aux problèmes du monde moderne, Seuil, 2011, p. 74.
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