Outre que de tels rites [d'anthropophagie] s'accomplissent le plus souvent de manière fort discrète, portant sur de menues quantités de matière organique pulvérisée ou mêlée à d'autres aliments, on reconnaîtra, même quand elles revêtent des formes plus franches, que la condamnation morale de telles coutumes implique soit une croyance dans la résurrection corporelle qui serait compromise par la destruction matérielle du cadavre, soit l'affirmation d'un lien entre l'âme et le corps et le dualisme correspondant, c'est-à-dire des convictions qui sont de même nature que celles au nom desquelles la consommation rituelle est pratiquée, et que nous n'avons pas de raison de leur préférer. D'autant plus que la désinvolture vis-à-vis de la mémoire du défunt, dont nous pourrions faire grief au cannibalisme, n'est certainement pas plus grande, bien au contraire, que celle que nous tolérons dans les amphithéâtres de dissection.
Claude LEVI-STRAUSS, Tristes tropiques, p. 464.
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