La politique relève-t-elle d'un savoir ? Platon répond oui et il veut confier les affaires de la cité au philosophe, qui détient ce savoir du bien. Aristote répond non et croit à la confrontation des convictions. Les technocrates néolibéraux sont d'une certaine manière les platoniciens d'aujourd'hui : pour eux, le marché est source de vérité et la parole du peuple ne peut produire que du désordre. Voilà pourquoi le néolibéralisme est tendanciellement antidémocratique : c'est le fameux "there is no alternative" de Margareth Thatcher. Mickaël FOESSEL (philosophe).
Le problème est que dès qu'on prétend contester le dogme de l'efficience des marchés, on se voit retourner l'éternel argument du totalitarisme. On vous balance Staline en pleine tête, comme s'il fallait décider entre le marché dérégulé ou le goulag. « Malheur à moi, je suis une nuance », écrivait Nietzsche. Aujourd'hui, il faut redonner une dignité à la volonté politique plutôt que d'attendre les effets enchanteurs d'une autorégulation qui ne profite qu'à une minorité. Frédéric GROS (philosophe).
Propos recueillis par Eric AESCHIMANN, Le Nouvel Observateur, 10/2012, p. 120.