[Une croissance "naturelle"] serait un phénomène récent et ponctuel à l'échelle de l'histoire humaine. C'est en tout cas la thèse de Robert J. Gordon, professeur à l'université Northwestern (Illinois). [...] Il explique qu'avant le XVIIIe siècle, l'évolution du PIB par tête se limitait à 0,2 % par an environ. La production de richesse n'augmentait qu'avec la progression de la population. La croissance s'est déclenchée après 1700 [...] battant tous les records après la Seconde Guerre mondiale (les Trente Glorieuses en France). Depuis, elle a régressé, avec un sursaut entre 1996 et 2004. Elle devrait continuer de décélérer au cours de ce siècle, jusqu'à revenir aux très faibles niveaux antérieurs.
[Cette] parenthèse enchantée [...] est le résultat de la première révolution industrielle (1750-1850 : la marine à vapeur et le chemin de fer), mais surtout de la deuxième avec toutes ces grandes inventions qui ont transformé nos vies et fait exploser notre productivité : l'adduction d'eau potable, l'électricité, la radio, le téléphone... En comparaison, la troisième révolution, celle d'internet, semble plus modeste. D'ailleurs, qui échangerait aujourd'hui les toilettes et l'eau courante contre un PC et internet à haut débit ?
Les innovations technologiques ont désormais moins d'impact sur la productivité parce que les grands changements ont déjà eu lieu et ne se reproduiront pas : il est impossible d'aller plus vite (Concorde a vécu...), de baisser de manière aussi spectaculaire la mortalité infantile ou de libérer davantage les femmes des corvées ménagères (sinon en les partageant davantage avec les hommes !). La croissance sans fin est donc un mythe. Christine KERDELLANT, L'Express, 10/2012, p. 106.