[Afin de cartographier l'état du marché, des centaines de fois par seconde], l'algorithme se présente, prétendant : "Je suis disposé à acheter telle quantité à tel prix", et si une contrepartie se manifeste alors en face, disant : "D'accord", l'opération est aussitôt annulée. L'automate n'en sais pas moins, désormais, qu'il existe une offre ou bien une demande à ce niveau de prix. Cela dit, toutes les annulations d'opérations ne sont pas liées à une telle "cartographie" : d'autres opérations par des algos visent uniquement à encombrer le marché pour faciliter leurs propres transactions. Page 76.
J'ai un jour conçu un logiciel de simulation informatique du comportement des marchés boursier [...dans lequel] les agents étaient définis de façon à être semblables aux acteurs humains que l'on trouvait autour de la corbeille [...] à l'époque où celle-ci existait encore. [...] Une observation qui se dégageait des comportements étudiés était que, pour qu'un marché soit équilibré, c'est-à-dire pour que les prix oscillent au sein d'une bande de variation relativement stable, permettant au marché de survivre, une condition devait être remplie : il fallait qu'à chaque instant la moitié des agents passant un ordre se trompent sur l'évolution de prix à la hausse ou à la baisse lors de la transaction suivante, tandis que l'autre moitié, elle, aurait vu juste. [...] Dès que l'on s'écarte de cette égalité dans la justesse et dans l'erreur, [...] l'éventualité d'un krach augmente. [...] Les automates, qui parviennent aujourd'hui à cartographier entièrement l'offre et la demande potentielles, arrivent assez facilement, eux, à prendre des décisions à l'achat ou à la vente qui ne s'assimilent plus simplement à du "pile ou face" : c'est ce qui explique pourquoi leur présence en soi accentue l'éventualité d'un krach sur les marchés boursiers [...]. Page 80.
Paul JORION (2012), Misère de la pensée économique, Fayard.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire